Dire qu’elle venait souvent ici avant pour profiter du soleil ou pour manger son repas entouré de verdure. Maintenant, elle était là pour chasser tous les petits animaux qu’elle pourrait. Elle avait cru qu’il n’y aurait pas grand-chose à chasser dans cet endroit, mais en réalité, il semblait que plusieurs petits animaux avaient migrés vers les endroits verts de cette ville. Elle avait réussit à avoir deux écureuils, un petit lièvre et deux perdrix jusqu’à maintenant. L’arc que Raffael lui avait déniché était excellent. Peu bruyante, ils n’avaient fait face qu’à un ou deux zombies qu’ils avaient rapidement éliminé. Ils récupéraient toutes les flèches qu’elle utilisait et ils avaient apporté une petite glacière. Une glacière, seigneur, ce n’avait pas été évident de la préparer cette glacière. Pendant que Hunter et compagnie préparait leur voyage, Amy et Raffael préparait cette sortie de chasse.

Son amoureux avait eu cette bonne idée, elle l’adorait d’y avoir pensé. Pendant que les autres étaient dehors, eux aussi l’était. Au retour de sa sœur, son frère et compagnie. Ils auraient de la viande à manger. De la vraie viande. C’était rare dans leur rationnement. Raffael avait promis qu’il irait chercher tout ce qu’il fallait pour faire un grand ragoût. Il n’aurait pas tant de viande, donc pour la partager équitablement, il fallait faire une grande portion de ragoût, tout le monde ainsi aurait un peu de ce qu’elle avait chassé. Raff et Amy parlait peu. La jeune femme était concentrée, elle suivait toutes les petites pistes qu’elle trouvait. Raffael lui communiquait tout danger dans un sifflement distinct dont ils avaient convenus avant de partir. Ils faisaient une bonne équipe tous les deux.

Elle savait dès que son homme lui avait proposé cette sortie, que ce ne serait pas une balade romantique au clair de lune. Non, c’était une chasse pour trouver de la nourriture et ne pas en devenir. Elle voulait voir revenir sa sœur, son frère, Kaleb et Willow vivants, et bien eux aussi devaient aussi l’être à leur retour. Elle en était consciente. Elle indiqua d’un geste de la main, deux doigts allant des yeux à un arbre, à Raffael qu’elle avait repéré une nouvelle proie. Elle se préparait à tirer lorsqu’elle entendit le sifflement. Elle réagit rapidement l’arc toujours prêt à tirer, elle repéra rapidement sa nouvelle cible et tira visant la tête. Elle atteignit la cible, mais sa flèche, bien qu’elle ralentisse le zombie, ne fit pas assez de dommage au cerveau pour l’arrêter complètement.

Raffael avait eu l’idée d’amener sa belle à la chasse durant que Kaleb, Mac, Hunter et Willow seraient à la recherche de bétail. C’était, honnêtement, tout ce qu’il avait trouvé pour lui occuper l’esprit et tenter de la faire penser à autre chose qu’au fait de ne pas savoir si son frère et sa sœur allaient rentrer à bon port avec tous leurs morceaux. Il savait par-contre qu’il serait peut-être amené à avoir de sacrés ennuis avec Hunter lorsqu’il l’apprendrait, mais pour Amy il était bien prêt à braver la tempête. Quoiqu’après leur dernière discussion, celle où Amy avait dit à son frère qu’elle le détestait, peut-être Hunter serait-il moins enclin à vouloir lui faire la peau par après. Et puis merde alors! Ce n’était pas comme s’il n’avait pas son arme à portée de main et qu’il restait loin d’elle! Raff se tenait à quelques mètres derrière Amy, histoire de ne pas être dans ses jambes et lui nuire plus qu’autre chose. Sans oublier que de la position où il était, il pouvait voir arriver le danger.

Mais cette sortie n’avait pas que pour but d’occuper Amy. Elle avait aussi pour but de prouver à Hunter qu’elle savait se débrouiller et n’avait pas besoin qu’on la surprotège. Bien sûr, Raff était le premier à la garder toujours à l’œil, a tout faire pour s’assurer qu’il ne lui arrive rien, mais il savait qu’il ne pouvait pas la surprotéger comme Hunter le faisait constamment. S’il comprenait sur le fond, il ne comprenait pas sur tout. Apprendre à Amy à se débrouiller toute seule, ce n’était pas comme la jeter en pâture aux rôdeurs non plus! C’était lui donner les bases pour qu’elle survive plus longtemps au cas où quelque chose arriverait à son entourage. Enfin, c’était ainsi que Raff voyait les choses.

Cette balade avait aussi un autre but : celui de permettre à Amy de chasser et de rapporter quelque chose qui pourrait leur éviter de se servir à même leurs conserves. Les menus étaient de plus en plus frugaux et les rations commençaient à bien pauvres. Un type de sa carrure avait du mal à ne pas crier famine quand il voyait la mini portion qu’on lui donnait. Mais il se la fermait, car il savait que beaucoup n’avait pas la même chance que lui. Alors oui, cette partie de chasse avait également un but important.

Il en était là dans ses pensées lorsqu’il entendit un bruit sur sa gauche, un bruit qui le fit rapidement se retourner. Un rôdeur. Il avait dû sentir la viande fraîche. Écoeuré, Raff siffla un coup pour prévenir Amy qui se chargea toute seule de ce zombie... pendant que Raff en voyait un deuxième débouler. Il s’arrêta et s’assura qu’Amy se tenait assez loin de lui… et il attendit. Quand la bête arriva près de lui, Raffael lui enfonça sa machette dans le crâne d’un geste rapide et sûr.

- Avec de la chance, c’est le seul qu’on verra dans ces bois. murmura Raffael à l’intention d’Amy.

Elle s’était chargée seule du zombie qu’elle avait tiré dans la tête, l’achevant à coup de machette. Raffael lui en avait fait une légère, qu’elle pouvait utiliser facilement. Elle détestait toujours tuer des zombies, mais elle se sentait fière de l’avoir fait seule. Elle regarda Raffael et vit qu’il n’avait pas chômé, un zombie trônait à ses pieds, la boîte crânienne défoncé. Elle s’approcha de lui et déposa un baiser sur ses lèvres. Elle ne l’avait pas fait durer comme lorsqu’ils étaient à la maison, il y avait trop de danger autour pour ça.

-Merci de me confiance. Tu ne peux pas savoir à quel point je me sens utile en ce moment. Pas un poids mort comme chaque fois que mon frère ouvre la bouche. Je l’aime plus que tout, mais j’aimerais qu’il puisse avoir la même vision que toi de moi.

Elle avait chuchoté, le moindre bruit pouvait attirer ses monstres sur eux. Ils en avaient déjà eu deux. Elle lui fit signe de la tête, le mieux était d’avancer un peu. Bouger pour ne pas attirer les bêtes au même endroit. Elle s’enfonça un peu plus dans les boisées du parc. Être entouré de tout ce vert lui faisait du bien. Elle se sentait forte, elle sentait qu’elle pouvait faire une différence maintenant qu’on lui laissait le champ libre. Elle savait que Hunter serait sans aucun doute très fâché en apprenant que Raffael l’avait laissé chasser. Mais elle se sentait tellement bien. Elle avait besoin qu’on lui accorde cette confiance, son homme l’avait compris, alors pourquoi son frère lui ne le comprenait pas?

Elle avançait dans l’herbe qui était devenue très haute, elle n’était plus entretenue par personne maintenant. Elle avança, franchissant un buisson et faillit hurler lorsqu’une main froide toucha sa peau. Elle ne le fit pas, elle savait qu’un cri équivalait à ameuter tous les zombies du secteur. Elle avait le cœur qui battait la chamade dans sa poitrine. Elle baissa les yeux et vit le corps d’une jeune femme. Celle-ci avait les boyaux à l’air, manifestement dévoré par des zombies. Elle prit sa machette et détruit la tête, mais surtout le cerveau de la pauvre jeune femme.

- Aller ma belle, tu dois lui donner sa chance de se faire pardonner. souffla Raffael. Il ne s’y prend peut-être pas très bien, mais tu sais qu’il tient à toi et à Mac comme à la prunelle de ses yeux. Et surtout, il ne t’a jamais vue comme un poids à traîner. Jamais. ajouta-t-il doucement en la regardant droit dans les yeux.

Raffael s’abstint d’ajouter que contrairement à lui, Hunter n’avait pas eu la chance de passer toutes ces années en leur compagnie. C’était peut-être sa façon à lui de rattraper un peu le temps perdu. Il n’avait pas non plus eu l’occasion d’apprendre à manœuvrer avec deux femmes au caractère bien trempé. Il apprenait sur le tas comme on dit et Raff se devait d’admettre que pour un type qui n’était dans la vie de ses sœurs que depuis trois ans, il ne s’en tirait pas trop mal. Bien sûr, il en faisait parfois un peu trop, mais ça Raff ne pouvait pas le lui reprocher.

Quand il conseillait de ne pas attendre trop longtemps pour discuter avec Hunter, c’était parce qu’il repensait à sa propre sœur. S’il n’avait pas attendu aussi longtemps pour que Jane ne se décide enfin à parler, s’il l’avait poussée un peu plus tôt à le faire, elle n’en serait peut-être pas là où elle était, au fond du gouffre. Ne pas avoir pu être là pour lui éviter ce calvaire, lui éviter de souffrir, il ne se le pardonnerait jamais. Ce n’était pas sa faute, il ne le savait que trop bien, mais s’il avait pu être là pour lui éviter de souffrir, il l’aurait fait mille fois plutôt qu’une.

Autant dire que Raffael étaient dans de beaux draps. Il comprenait son beau-frère jusqu’à un certain point et il souhaitait vraiment qu’Amy et lui finissent par se comprendre et fixer des limites claires, mais il ne souhaitait pas non plus se mettre sa belle à dos. N’empêche, ça le tuait de la voir se dénigrer comme elle le faisait et ça, juste parce que son frère avait été maladroit dans sa façon de vouloir la garder en sécurité. Et il ne pouvait pas nier que le plan d’Hunter était logique. Plus ils seraient nombreux, plus ça prendrait d’essence. Et tant qu’à vouloir amener des gens avec lui, autant amener Kaleb et Mackenzie. Contrairement à Amy, ils étaient entraînés par l’armée. Mais ça, ça n’enlevait strictement rien à sa belle! Ça ne changeait rien au fait qu’elle était forte et capable de se débrouiller. Elle avait bien d’autres compétences que les autres n’avaient pas. Chacun ses forces, chacun ses faiblesses. Si Mackenzie était entraînée pour l’armée, Amy était mieux formée pour comprendre les gens, pour les amener à se confier, à lui faire confiance. Mac faisait un peu peur quand elle s’y mettait, alors qu’Amy était douce de nature. Pourquoi sa belle ne le voyait-elle pas? Ça, c’était clairement un mystère à ses yeux.

- Tu as des qualités et des talents que Mac n’a pas. Et vice versa. Mais ça ne veut pas dire que tu vaux moins qu’elle ou que tu ne peux pas te rendre utile différemment.

Elle n’avait pas répondu à son homme, elle était trop occupée à détruire le cerveau de cette pauvre fille qui était morte dévorée. Raff ne l’avait même pas aidé, il n’avait même pas cessé de parler. Il ne s’était pas inquiété de la voir sursauter, il avait probablement vu la « menace » avant elle, sinon en même temps qu’elle. Il savait qu’elle n’était pas en détresse. Les frères Birmingham avaient ça en commun. Elle se souvenait de ce jour, celui où elle avait dû abattre Tim, un enfant de huit ans avec qui elle avait travaillé. Elle l’aimait beaucoup, elle avait prit soin de lui et l’avait sorti de sa famille pour le mettre en famille d’accueil. Elle avait été là pour lui, il était le premier enfant qu’elle avait à charge dans son travail. Kaleb l’avait laissé se débrouiller. Il avait empêché Hunter de l’aider. Elle ne s’en était pas aperçue ce jour-là, mais Hunt le lui avait dit. Il était en colère contre Kal, pas elle. C’était Tim, comment aurait-elle laissé les autres le délivrer à sa place? C’était ça pour elle, une délivrance du tuer un zombie ou de fendre le crâne de cette jeune femme afin qu’elle ne devienne pas l’une de ses bêtes. Elle espérait que Raff, sa sœur, Kal ou Hunter n’hésiteraient pas à faire de même pour elle. Elle se tourna vers son amoureux pour le regarder bien en face.

-Arrête, je lui ai déjà pardonné d’être un surprotecteur. Je l’aime et il en sera toujours ainsi. J’ai été dur avec lui, mais j’avais besoin de lui exprimer ce que je ressentais. Ce n’était pas la meilleure façon, je l’admets, mais est-ce qu’il en a une meilleure lui?

Elle haussa les épaules et ce geste presque instinctif la fit sourire. Elle était presque sûre qu’elle n’haussait pas autant les épaules avant l’arrivée de son frère et de Raff dans sa vie. C’était une réponse tellement facile pour eux. Beaucoup plus que d’exprimer ce qu’il ressentait au fond d’eux-mêmes.

-Mackenzie à beaucoup de qualité que je n’aurais jamais et j’ai des qualités qu’elle n’aura jamais. J’en suis consciente et j’ai toujours fait avec. Je ne sais pas, je crois que le fait de ne jamais avoir eu de père fait en sorte que je ne comprends pas bien le fonctionnement de mon frère. Peut-être que si j’avais eu un modèle masculin j’aurais mieux compris son inquiétude envers moi.

Elle haussa les épaules et chassa le geste d’un revers de la main. Mac représentait le lien maternel, elle avait toujours agi comme une mère pour Amy, Amy avait appris tellement à ses côtés. Elle ne serait sans doute pas aussi débrouillarde dans la vie si ce n’avait été de sa sœur. Même à présent, elle savait se défendre grâce à elle. Mac lui avait appris à se servir d’une arme, lui avait démontré l’importance de savoir se défendre et se nourrir par elle-même. Elle avait appris l’arc de son propre chef et s’était mise à la chasse aussi. Mac ne l’avait pas forcé, elle lui avait montré le chemin et elle l’avait emprunté, le poursuivant par elle-même.

-Avec toi, je me sens comme avec Mac. Elle connaît mes forces, mes faiblesses et elle me laisse me débrouiller avant d’intervenir. Elle est et sera toujours la plus forte des deux, autant physiquement que psychologiquement, mais elle m’a montré la route à prendre et les outils pour faire mon propre chemin. Je lui en serai toujours reconnaissante.

Elle nettoyant sa machette dans l’herbe avant de la rangée. Elle reprit son arc et inspecta les environs. Elle repéra rapidement un autre écureuil. Peut-être était-ce celui qu’elle avait laissé filer un peu plus tôt. Elle l’abattit sans sourciller. Elle était capable. Elle pouvait faire ce genre de chose et son frère ne pourrait pas l’empêcher éternellement de le faire. Elle devrait faire ainsi plus souvent. Chasser lui permettait d’aiguiser ses sens et de ne pas perdre la main pour viser des petites cibles, des cibles mouvantes surtout. Elle alla chercher son écureuil.

Elle n’avait jamais eu de véritable père, de figure paternelle. Il était vrai que Raffael avait parfois tendance à oublier que Mackenzie et Amy n’avaient pas eu une enfance classique. Tout comme Hunter. Raff n’en était pas très fier, mais oui, il lui arrivait d’oublier que tous n’avaient pas eu une enfance aussi heureuse que la sienne, dans une famille normale, avec de bons parents. Que disait-il là? Des parents merveilleux.

Peut-être cette absence de père – hormis peut-être lorsqu’il y en avait un en famille d’accueil – y était pour quelque chose quand Amy se révoltait contre Hunter? C’était, après tout, on ne peut plus compréhensible. Est-ce que sa belle le voyait ainsi? Il l’ignorait tout comme il ignorait comment aborder le sujet. Lui qui n’était pas d’un naturel très bavard avait parfois du mal à trouver la bonne façon de formuler les choses. Si ça pouvait avoir du bon dans les situations tendues parce qu’il prenait le temps de réfléchir à ce qu’il allait dire, c’était quand même un truc à double tranchant. Il arrivait que cette nature peu bavarde se retourne contre lui et dans ces moments-là, il en venait presque à regretter de ne pas avoir la langue bien pendue.

De ce que Kaleb lui avait raconté de l’enfance des rejetons Wright – et Kal n’était jamais entré dans les détails non plus, car ça ne le regardait pas à l’époque – Hunter avait toujours protégé Mackenzie contre les sévices de leurs parents. Amy n’était encore qu’un bébé lorsque les services sociaux les avaient retirés de leur foyer. Peut-être Hunter voyait-il encore ses petites sœurs comme les enfants qu’elles étaient à l’époque? Et pourtant, il ne se montrait pas aussi borné quand il s’agissait de Mac.

Il était sur le point d’en faire la remarque à Amy quand il entendit du bruit derrière lui. Encore un maudit rôdeur. Ils étaient partout, c’était complètement dingue. C’était à peine s’ils pouvaient prendre deux minutes pour respirer sans en avoir un autre à zigouiller. En soupirant, Raffael se retourna et attendit que le zombie s’approche. Il s’écarta néanmoins de quelques pas, histoire d’éviter que la monstruosité ne s’approche d’Amy. Il était bien d’accord qu’il fallait qu’elle se débrouille seule, mais il n’allait quand même pas lui laisser tout le boulot non plus. Et pas la mettre en danger. C’était ça le plus important : la garder en sécurité. Sur ce point, il était entièrement d’accord avec son beau-frère. Lorsque la bestiole fut suffisament près de lui, Raff lui coupa la tête avec sa machette avant de prendre une grosse branche d’arbre qui traînait et la planter dans la tête de la bête.

- Je crois qu’il est temps qu’on rentre. On a suffisamment de viande pour tout le monde… et j’aimerais rentrer avant les autres. Déjà qu’Hunter va m’en vouloir à mort quand il va apprendre ce qu’on a fait aujourd’hui, je préfère qu’on soit à la maison quand lui va rentrer.

Raff n’avait pas peur de son tout nouveau beau-frère, mais il ne voulait pas donner de raisons à Hunter de vouloir lui en coller une. Parce que non, Raffael ne se faisait pas d’idées : quand Hunter saurait ce qu’ils avaient fait de leur journée, c’était vers lui que se dirigerait forcément sa colère. Il ne lui flanquerait peut-être pas son poing dans la figure, mais ça ne serait pas l’envie de le faire qui lui manquerait. Alors non, Raff préférait être rentré quand les autres reviendraient de leur expédition. Il n’avait pas envie de lui donner une autre raison d’être furieux contre lui.

Amy acquiesça à sa requête et ils reprirent lentement, mais sûrement le chemin de la maison.