Pendant que ses comparses poursuivaient l’exploration du paquebot, Jane sortit de sa poche le bout de papier sur lequel elle avait commencé son plan et s’efforça de combler les vides. Elle releva les yeux lorsqu’Hunter laissa entendre qu’il avait trouvé du matériel susceptible d’être utile à Kaleb. La jeune femme suivit Willow dans le container afin d’en analyser le contenu de ses propres yeux.

Jane désigna du menton le matériel que la brune venait de mettre dans son sac. « Je vote pour une livraison express, pas vous ? » La jeune femme n’était pas médecin mais elle avait été témoin de nombreuses situations pendant ses missions humanitaires. Elle se rappelait encore de cet homme qui, après une mauvaise chute, ne semblait présenter aucun déficit sensitivo-moteur et se comportait comme si de rien n’était. La radiographie avait révélé une entorse cervicale grave. Le fait que Mackenzie soit consciente et vraisemblablement en possession de toutes ses capacités était donc loin de la rassurer complètement, mieux valait immobiliser son rachis le plus rapidement possible.

Jane lança un petit sourire à Willow en agitant le plan fraîchement complété lorsque cette dernière insista sur l’importance de se souvenir de l’emplacement du container. « C’est noté. » Son regard s’attarda ensuite sur un carton qui contenait des bandes d’Elastoplast. Elle avait récemment réussi à se fouler la cheville en tentant de repousser un rôdeur et, si elle pouvait marcher convenablement, elle ressentait encore des douleurs lancinantes ainsi qu’une certaine instabilité. Quelques jours de contention élastique l’aideraient peut-être à se rétablir plus rapidement. Elle glissa donc discrètement deux boîtes dans son sac.

La tension était à son comble. Alicia semblait de plus en plus énervée, il ne savait pas quoi faire pour l’aider. Il aimerait tellement pouvoir faire quelque chose pour que ce qu’elle ressentait s’amoindrisse. Il suivit les autres, Raffael avait répliqué à sa sœur. Il avait raison même s’il était aussi d’accord avec Ally que ce n’était pas logique que Raff et Hunter surtout restent là. Une fois qu’ils eurent trouvé une civière, James aida Hunter à la sortir du container, ils sortirent d’autres choses qui pourraient être utile. Jane proposa une livraison expresse. Il était entièrement d’accord.

-Oui, je crois que l’un ou deux d’entres nous partes et aillent donner les fournitures à Kaleb, les autres pourront avancer et continuer les fouilles, mais avant tout, aidons-les.

Ce n’était pas sa politique, mais Mac était sa belle-sœur après tout. Hors de question qu’il la laisse dans cette mauvaise position. Il regarda son beau-frère.

-Raffael, ta force pourrait leur être utile. Je crois que tu devrais y aller que ce soit seul ou accompagné.

Ça la démangeait royalement de prendre le commentaire de Raffael au pied de la lettre, non pas d’aller carrément retrouver Kaleb, mais de quitter ce maudit bateau. Si Alicia ne le fit pas, ce fut uniquement parce qu’il y avait encore du boulot et que s’ils voulaient avoir une part du butin, son groupe aurait besoin d’un peu d’aide. Mais encore une fois, la jeune femme eut l’amère impression que sa famille était toujours en lambeaux. Peut-être n’arrangeait-elle pas les choses en se montrant aussi rancunière, mais d’un autre côté, il était temps qu’elle arrête de s’effacer. Si ça ne faisait pas l’affaire de ses frères, bah… ils savaient clairement à qui s’en prendre.

Ne voulant pas nuire aux autres, Ally resta à l’écart quand Willow et Hunter commencèrent à fouiller le container. Il y aurait surement des trucs évidents sont Kaleb pourrait avoir besoin, mais elle préférait laisser Willow faire. Il y avait certainement des choses auxquelles elle n’aurait pas pensées alors valait mieux qu’elle reste à l’écart. De toute manière, ce n’était pas tellement différent des autres fois. Sa seule consolation fut de voir que James semblait être du même avis que Jane, soit que Kaleb aurait peut-être rapidement besoin qu’on leur livre du matériel. Si Raff était le seul à s’y rendre, ça serait toujours mieux que de laisser Kaleb se démerder tout seul.

Raffael s’en voulait de s’être adressé à sa sœur comme il l’avait fait, mais encore une fois, il avait parlé avant de réfléchir. Il ne voulait pas qu’Ally parte parce qu’il le lui avait suggéré. Il n’aimait pas la voir aussi morose et il se détestait parce qu’il se rendait bien compte qu’il n’arrangeait pas les choses en se comportant comme il le faisait. Il prenait des décisions sans leur demander leurs avis et c’était plutôt clair pour lui que c’était ce qu’Alicia lui reprochait vraiment. Il avait pris la décision de ne pas aller aider Kaleb et il l’avait fait sans attendre les opinions des membres de sa famille. C’était un de ses défauts et Raff en était conscient. Il allait présenter de plates excuses à la famille et leur demander leur avis sur la question quand Jane proposa d’aller faire une livraison express de matériel, proposition appuyée par James qui disait que Raff pourrait être utile pour aider à remonter Mackenzie.

- J’y vais. J’essaie de faire vite et si jamais on a besoin d’aide, je reviens vous chercher.

C’était le mieux qu’il puisse faire pour l’instant. Il s’approcha de Jane, posa un baiser sur le sommet de sa tête, fit la même chose avec Alicia qui essaya de s’écarter, en vain, et il quitta rapidement son groupe en poussant une civière bien chargée.

Hunter avait écouté sa belle et avait sorti la civière. Les autres voulaient une livraison expresse, il était d’accord mais avant qu’il n’ait le temps de dire « ouf », James avait proposé que Raffael se rendre auprès des autres et ce dernier venait de partir avec tout ce qu’il fallait pour aider sa sœur. Hunter le regarda s’éloigner, il n’avait qu’une envie, le suivre. Il résista cependant, restant là. Raffael avait dit qu’il viendrait les chercher s’ils avaient besoin d’aide. Il pouvait faire confiance à Raff, il le savait. Il soupira avant de se retourner vers Alicia.

-Tes frères sont peut-être maladroits, mais il t’aime plus que tout. Essaie donc de le voir pour une fois. Demain, on pourrait tous mourir. Tu veux vraiment faire ainsi? Tu veux vraiment faire comme si tu ne les aimais plus et que ta rancœur était plus importante que le reste?

Il secoua la tête.

-Mac m’a pardonné mon absence de vingt ans, peux-tu leur pardonner six mois? Ils ne t’ont jamais oublié, n’ont jamais cessé de t’aimer même s’il n’était pas là pour te le dire à tous les jours. Je sais de quoi je parle, j’ai été privé de mes sœurs pendant vingt et pas un jour n’a passé sans que je ne pense à eux et que je les aime de tout mon cœur. Réparer est beaucoup plus difficile après, surtout si la personne blessé ne laisse pas une seule chance à ceux qui tentent de réparer.

Il se détourna de la jeune femme. Il avait dit ce qu’il avait à dire. Aucune hostilité ne paraissait dans son ton. Il avait gardé son ton neutre et sans aucun jugement envers Alicia. Il ne voulait pas lui faire la morale, mais il détestait voir cette famille se déchirer ainsi. Jane faisait des efforts, Raffael faisait des efforts et Kaleb faisait tout ce qu’il pouvait. Alicia était blessée profondément, mais elle était capable de pardonner, il en avait la certitude.

Willow se garda de tout commentaire. Il y avait longtemps qu’elle avait mis un point d’honneur à ne jamais se mêler des histoires de famille des Birmingham/Wright et… elle oubliait le nom de famille de James. Enfin! Il y avait un bon moment qu’elle avait compris que pour éviter les retours de flammes, il valait mieux pour elle s’abstenir de commenter une prise de bec, quel que soit le sujet de celle-ci. Par-contre, son homme aimait bien mettre les pieds dans le plat, car il ne se gêna pas pour dire à Alicia ce qu’il pensait de son attitude. Si elle partageait son avis sur quelques points, il n’en demeurait pas moins que la crise passée d’Hunter et ses sœurs versus celle que vivaient présentement les Birmingham n’avaient rien de commun. Si Ally avait quelque chose à reprocher à sa famille, c’était son droit le plus strict et ils n’avaient rien à dire là-dessus. A eux de gérer la crise à leur manière sans intervention de personne extérieure à tout ça. Du moins, était-ce l’opinion de la jeune femme, mais encore une fois, elle se garda bien de passer le moindre commentaire.

- Et si on se remettait au boulot?

C’était une piètre tentative pour changer de sujet, mais l’instinct de Willow lui soufflait que ça ne fonctionnerait peut-être pas comme elle l’espérait. La jeune femme ne put s’empêcher de prier qu’on les appelle presque à l’aide. Non pas parce que Mac était mal en point, mais parce que ça changerait le mal de place. Et qu’on éviterait peut-être une énième dispute.

Il y avait de l'électricité dans l'air. Nul besoin d'être uni à Alicia par les liens de la gémellité pour remarquer qu'elle était contrariée. Hunter tenta de débloquer la situation en se lançant dans une longue tirade faisant écho à son propre passé. Ses intentions étaient louables mais la jeune femme craignait qu’afficher sa soeur en ouvrant des abcès sur la place publique ne parvienne qu’à la braquer et à envenimer la situation. En outre, Jane était quelque peu énervée. On lui avait passé six mois se résumant à une succession de comportements tous plus irrationnels les uns que les autres et on ne tolérait pas qu’Ally montre le moindre signe d’énervement ? C’était injuste. Ils avaient tous leurs problèmes, qu’on les laisse gérer les leurs. Ce n’était pas comme si sa jumelle faisait obstruction au travail de l’équipe. Quant à la mauvaise ambiance qui régnait parmi eux, aussi décelable qu'une odeur de soufre, elle ne pouvait croire qu'Ally en soit la seule responsable et elle brûlait de le faire savoir depuis que Sierra leur avait dit leurs quatre vérités.

La jeune femme s’approcha de sa soeur, lui prit la main et s’adressa à l’ensemble du groupe.  « Hey, c’est dur pour tout le monde aujourd’hui, ok ? Moi aussi je n’ai qu’une seule envie, foutre le camp de ce fichu bateau, rentrer à la maison et partager une bière avec mes colocataires les rats. Mais c’est pas juste de tout mettre sur le dos d’Ally. C’est une journée de merde, point barre. » Jane serra la main de sa soeur dans la sienne puis secoua son plan au bout de son bras. « Willow a raison, on se remet au boulot. »

Raffael venait de partir, Hunter venait de faire un laïus pour Alicia que Jane n’apprécia pas du tout et elle le lui fit savoir, Willow semblait petite dans ses souliers et demanda à ce que l’on continue et Alicia, il ne savait pas trop quoi dire. Elle semblait tellement en colère depuis le tout début que rien ne semblait l’apaiser. Les propos de Hunter aurait pu avoir un sens en partie s’il ne s’était pas démontré aussi brusque et accusateur. Il s’approcha de sa copine et l’enlaça pendant que les autres poursuivaient, il avait besoin de lui démontrer qu’il était là et que même s’il ne répondait pas pour ne pas se mettre les pieds dans les plats ou envenimer les choses, il était avec elle.

-Quand Raffael reviendra et que l’on saura que Mac va bien, car je suis sur que c’est le cas. Tu veux qu’on change de groupe? Logiquement, on ne peut pas partir, mais on peut au moins changer de groupe. Raff, Hunter, Kal l’ont fait, alors je ne vois pas ce qui nous empêcherait de le faire.

Un groupe ou aucun membre de la fratrie de seraient avec eux. Ce serait l’idéal. Il n’aimait pas que sa chérie souffre ainsi, il détestait la voir accuser d’être rancunière alors que Hunter lui n’avait pas vécu l’histoire de la même façon. D’accord, c’était vrai qu’Alicia était rancunière, mais elle avait quand même raison un peu de l’être. Il était aussi d’accord que demain, dans quelques minutes même, Raffael, Kaleb, Jane ou même Alicia pouvaient mourir et les autres en seraient privés à jamais. Mais c’était elle qui restait le mal de l’absence qu’ils avaient crées. C’était à elle de gérer et pas aux autres à lui dire quoi faire. Jane avait bien fait à sa tête ses six derniers mois, pourquoi Alicia ne pouvait pas en faire autant maintenant?

Ça lui démangeait vraiment de rétorquer à Hunter que ces histoires ne le regardaient pas, que ce n’était franchement pas la même chose que ce que lui avait pu vivre avec ses propres sœurs, mais Ally ne le fit pas. À quoi bon? À part pour déclencher une énième discussion ou dispute avec une tierce personne, ça ne servirait à rien. C’était couru d’avance, tout le monde s’était mis dans le crâne qu’Alicia faisait encore des caprices. Bizarrement, quand c’était Jane qui avait fait des siennes, personne ne lui avait d’arrêter de se comporter en gamine. Ou du moins, personne ne le lui avait fait sentir. Enfin, c’était comme ça qu’Ally voyait les choses.

Ce fut ce moment que Jane choisit pour venir se placer à ses côtés et prendre sa défense. Alicia lui en fut reconnaissante, mais elle fut incapable de l’exprimer. Le discours d’Hunter lui avait probablement fait plus mal qu’elle ne se l’imaginait, car après que Jane ait dit que c’était injuste de tout lui mettre sur le dos et qu’ils devraient se remettre au boulot, Ally s’écarta, clignant frénétiquement des yeux pour chasser les larmes qui menaçaient de couler. A partir de maintenant, c’était décidé, Alicia resterait à l’écart. De toute évidence, elle plombait l’ambiance. Ce qui ne fit que lui faire réaliser qu’elle aurait dû s’abstenir de venir sur ce bateau. Comme s’il lisait dans ses pensées, James s’approcha d’elle et lui demanda si elle voulait changer de groupe une fois que Raffael serait revenu avec des nouvelles de Mackenzie. Ce n’était pas l’envie qui manquait, mais à ce stade-là, elle préférait encore rester à l’écart.

- Ça ne sera pas mieux dans un autre groupe. souffla la jeune femme en haussant les épaules. Reste plus qu’à serrer les dents et continuer à bosser.

-Tout mettre sur le dos d’Alicia? Non, mais attend Jane ce n’était pas du tout ce que je tentais de faire. Enfin, bref. C’est bon, je suis désolé, j’aurais juste du me taire.  

Il aurait pu ajouter qu’il n’était pas habitué de voir les deux armoires à glace fondre comme si on avait allumé un chalumeau près d’eux. Ça le perturbait de voir ses deux beaux-frères ainsi, ils étaient habituellement si solide. Mais il n’aurait pas dû s’en mêler. Il continua et ouvra le prochain container. Il regarda à l’intérieur, il s’agissait de la parfaite trousse du tabagisme. Cigarette, cigare, tabac, nommé les tous, ils y étaient. Que pourraient-ils bien faire de ça? Si certains mouraient d’envie d’en griller une, pour la survie ce n’était pas génial. Ça ne leur servirait qu’à attirer encore plus de zombies avec l’odeur. Il secoua la tête.

-Complètement inutile.

Il passa au prochain et ouvrit. Il regarda à l’intérieur, il s’agissait de cannage de toutes sortes.

-De la bouffe, c’est bien. On pourra tous tenir un peu plus longtemps avec tout ça. Génial, ça au moins c’est utile. Jane tu tiens toujours les comptes? Moi j’ouvre, mais j’avoue un pas être le meilleur pour prendre les notes.

Il eu un air d’excuse, haussant les épaules.

-Pas le meilleur pour m’exprimer non plus d’ailleurs. Désolé.

Il continua comme s’il n’avait pas dit la dernière phrase et passa au prochain endroit à explorer.

Préférant faire comme s’il ne s’était rien passé, Willow avait suivi Hunter quand il s’était dirigé vers les containers et en avait ouvert un qui contenait de la nourriture. Il avait dit ce qu’il pensait de la situation – ce qui reflétait plus ou moins son propre sentiment – et ça finissait là. Comme il venait de le dire, il n’était pas le meilleur pour s’exprimer, mais on ne pouvait pas lui reprocher de rester là, les bras croisés. Cette histoire entre les Birmingham avait dû lui rappeler ce que lui-même avait vécu avec ses sœurs et de par cette triste expérience, il avait dû vouloir leur éviter les mêmes écueils. Il savait mieux que quiconque ce qu’une telle séparation pouvait infliger et il devait sans doute vouloir le leur éviter. C’était tout à fait louable de sa part. Sans qu’il ne s’en rende compte, Hunter changeait tranquillement au contact de sa famille. Peut-être aussi un peu à cause de celui de Willow.

La jeune femme posa sa main sur son bras et lui fit un clin d’œil avant de l’entraîner vers une autre porte et un autre cadenas qu’il coupa après avoir écouté quelques secondes ce qui se passait à l’intérieur. Lorsque Will ouvrit la porte, elle découvrit ce qui lui semblait être des pièces pour réparer les voitures ainsi que des outils. Cette fois-ci, c’était l’expertise d’Hunter qui serait mise à contribution.

- Est-ce qu’il y a des trucs qui peuvent te servir là-dedans, Roméo? interrogea-t-elle en désignant de la main tous les objets entassés pêle-mêle.

Jane sentit son coeur se déchirer lorsqu’Alicia prit ses distances pour s’isoler. Sa soeur souffrait, elle le ressentait au plus profond d’elle-même et elle avait du mal à le supporter. Néanmoins, ce qui la toucha le plus fut de la voir s’éloigner, de sentir sa main échapper à la sienne. N’étaient-elles définitivement plus capables de se soutenir mutuellement, comme elles l’avaient toujours fait ? Quelque peu désemparée, elle la regarda tristement quelques instants, laissant James prendre le relai.

La voix de Hunter la sortit de ses songes. S’il semblait s’être senti personnellement visé par sa dernière intervention, elle s’était en réalité adressée à l’ensemble du groupe, consciente que ce dernier n’avait fait qu’exprimer tout haut ce que, vraisemblablement, bon nombre des membres de cette équipe pensaient tout bas depuis le début de l’expédition. La jeune femme lui sourit afin de lui signifier qu’elle ne lui en voulait pas. A vrai dire, elle culpabilisait de s’être exprimée de manière aussi abrupte. Elle hocha ensuite la tête afin de lui confirmer qu’elle continuait à prendre des notes. « Fidèle au poste. »

L’exploration se poursuivit. Jane entra dans le container afin de pouvoir en décrire au mieux le contenu puis en ressortit aussitôt, réalisant rapidement qu’elle ne serait d’aucune utilité pour faire le tri. Elle n’y connaissait rien en mécanique automobile, c’était tout juste si elle savait vérifier des niveaux et gonfler des pneus. La jeune femme qui se sentait toujours quelque peu faiblarde s’adossa contre la tôle et se mit à frotter le sang qui avait commencé à sécher sur son front.

James ne participa pas beaucoup aux ouvertures des deux prochains containers. Il resta un moment avec Alicia. Il savait qu’elle souffrait et il préférait rester près d’elle. Il la serra contre lui le temps que Jane continuait de faire l’inventaire, il n’allait même pas voir quand ils trouvèrent du matériel concernant la mécanique alors que lui aussi s’y connaissait. Ça ne l’intéressait pas. Il y avait déjà un bon moment que Raffael était parti quand James se remit à l’ouverture des containers. Il avait embrassé sa belle sur la tempe, un peu comme son beau-frère l’avait fait. Alicia avait bien faillit se dérober à lui, mais Raffael ne l’avait pas laissé faire. Il soupira en ouvrant le prochain truc, il regarda dans les caisses.

-Ally, je ne sais pas si je me trompe, mais je crois que ce sont des huiles de massage.

Il fit entrer la jeune femme dans le container pour qu’elle puisse regarder de quoi il s’agissait. Au même moment, il vit apparaître son beau-frère un peu plus loin. Il revenait de sa course expresse auprès de Kaleb et Mackenzie. S’il revenait si vite c’était bon ou mauvais signe? Il pouvait revenir car il n’avait pas besoin d’eux ou alors pour le contraire. Il regarda l’homme.

-Alors comment va Mac?

La jeune femme était solide, mais quand même. Ils devaient avoir réussi à la sortir de sa mauvaise posture, sinon Raffael serait resté plus longtemps là-bas. À moins bien sur, qu’il ne soit là pour venir chercher du renfort.

C’était à se demander si ce n’était pas carrément elle qui débloquait, qui ne tournait pas rond. Si tout le monde semblait porté à croire qu’elle perdait la tête, peut-être bien avaient-ils raison et que c’était elle qui se montait la tête pour rien. Si Alicia sentit que sa sœur était blessée de l’avoir vue s’écarter d’elle et que ça lui faisait un peu de peine, elle ne put s’empêcher de se dire que cette fois-ci, c’était au tour de Jane de voir ce que c’était. C’était exactement ce qu’avait ressenti Ally à chaque fois que sa jumelle avait décidé de mettre les voiles. En pire. Parce que si Alicia n’avait fait que s’écarter un peu du groupe, elle était quand même visible. Alors que Jane quand elle partait de son côté, elle disparaissait littéralement de leurs radars.

La jeune femme était perdue dans ses pensées quand James lui demanda si ce qu’il avait sous les yeux dans le nouveau container était de l’huile de massage. Ally le rejoignit et pris une bouteille pour en lire l’étiquette. C’était bel et bien ça. Risible dans pareille situation. L’huile ne leur servirait strictement à rien. A moins de jouer à faire glisser les rôdeurs et les regarder s’écraser au sol. C’était un passe-temps comme un autre. Finalement, son job – job qu’elle avait toujours adoré – n’avait strictement rien d’utile. Exactement comme elle se sentait au moment même. Sinon est-ce que l’huile à massage pourrait avoir une autre utilité? Alicia attrapa d’autres bouteilles et les regarda attentivement. C’était juste de l’huile à massage.

- Oui c’en est. Et c’est complètement inutile. répondit-elle au moment où James demanda à Raffael – qui venait de revenir – comment allait Mackenzie.

Ally sortit du container et s’éloigna.

Il avait essayé de faire vite, ne voulant pas laisser son groupe trop longtemps, mais il aurait aussi aimé pouvoir rester auprès d’Amy et de Kaleb. Se sentir utile. Pas qu’il soit inutile dans son propre groupe, mais il avait constamment l’impression de marcher sur des œufs. Dès qu’il l’ouvrait pour parler à Alicia, il mettait carrément le pied dans le plat, ranimant le brasier de la colère de sa sœur à cause de son incapacité à ouvrir la bouche pour dire autre chose que des conneries. Sa dernière en date était quand même pas mal! Dire à Alicia de partir de son côté, ce n’était vraiment pas très brillant de sa part et il s’en voulait. Au moins, avec Jane c’était moins compliqué. Se planter avec une sœur c’était déjà l’enfer, s’il avait fallu qu’il se les mette à dos toutes les deux… Bref, tout ça pour dire qu’il aurait peut-être préféré rester avec Kaleb. Son frère était l’orateur de la famille, c’était lui qui savait parler aux jumelles sans que ça finisse par mettre le feu aux poudres. Lui ne faisait qu’empirer les choses.

- Elle est sortie du trou et quand je suis parti, Kal était occupé à lui poser une série de questions pour évaluer son état. Hormis ça, elle semblait prête à mordre, donc je dirais que ça va. Et Amy va sûrement devoir se transformer en arbitre pour calmer Mac qui a envie de botter le derrière de Kaleb.

Il avait donné un peu plus de détails qu’il ne l’aurait fait normalement, mais il se doutait que Hunter voudrait avoir des nouvelles de sa sœur. De ses sœurs. Si c’était Jane ou Ally qui avaient été dans ce trou, Raff aurait voulu savoir dans quel état elles se trouvaient.

- Je suggère qu’on les rejoigne, Kaleb va vouloir conduire sa furie préférée à l’hôpital pour pouvoir l’examiner dans de bonnes conditions.

Raffael avait vu Ally s’éloigner un peu du groupe et il poussa un léger soupir de découragement. Il jeta un coup d’œil à Jane et eut à nouveau envie de soupirer. Le duo terrible allait finir par l’achever. Une qui s’éloignait et était furieuse tandis que l’autre semblait triste. Personne dans cette satanée famille pouvait être de bonne humeur en même temps que les autres?

Il ne le laissa pas voir, mais il fût soulager de voir Jane lui sourire. Il ne voulait pas semer la bisbille dans la famille Birmingham, déjà que c’était compliqué, il ne voulait pas faire pire. Il lui fit un signe de la tête quand elle indiqua qu’elle était fidèle au poste. Willow avait ouvert un container de pièces mécaniques, il fit l’inventaire.

-Ouais, quelques trucs vont pouvoir être utile.

Ils continuèrent ensuite, il se contentait de dire le minimum de trucs, il se sentait mal à l’aise et avait très hâte de voir revenir Raffael. Après quelques ouvertures de container et ce qui lui semblait une éternité, il le vit revenir vers eux. James le devança en demandant des nouvelles. Il écouta ce que lui rapportait l’homme, les nouvelles étaient encourageantes, mais quand même. Il n’était pas rassuré et en un simple coup d’œil, il voyait que Raffael mourait d’envie de retourner vers Amy et les autres. Lui aussi sentait ce besoin. Raffael le devança lui aussi, il exposa que Kaleb voudrait ramener Mackenzie à l’hôpital pour la soigner dans de meilleures conditions.

-Je suis d’accord. De toute façon, je ne suis pas concentré, je parie que toi non plus et j’en ai marre de faire semblant que tout va bien alors que tout ce que je veux c’est d’aller voir comment va Macky. Faites comme vous voulez, personnellement je vais les rejoindre et faire quitter ce bateau à mes sœurs.

Il se fichait de ce que les autres penseraient, il ne s’était pas aperçu qu’il avait échappé le surnom de sa sœur, elle aurait sans aucun doute envie de le tuer pour ça, tant pis. Cet endroit avait failli coûter la vie à Mackenzie, Amy n’était pas encore totalement remis de sa blessure à la cheville, il n’avait plus qu’une envie, allé les rejoindre et les emmener loin de là. Il tendit la main vers Willow, elle aussi il avait envie de la mettre à l’abri de cet endroit de malheur.

-Tu viens?

Willow était tellement occupée à fouiller les containers qu’elle n’avait même pas remarqué que Raffael était de retour. Hunter ne semblait pas prêt à partir à toute épouvante, alors elle souffla un peu. Si la situation avait été grave, Hunter l’aurait tout de suite vu sur le visage de Raff et il serait parti au galop pour rejoindre ses sœurs. Will ne put s’empêcher de rire quand elle entendit Raffael commenter l’état de Mackenzie. Elle était peut-être mal en point, elle en saurait plus une fois qu’elle aurait rejoint Kaleb et lui aurait proposé ses services, mais le fait que Mac soit déjà prête à partir en guerre était un bon signe. En espérant que ça durerait et que l’état de Mac ne se détériorerait pas par la suite. Ça par-contre, Will le garda pour elle. Inutile d’inquiéter Hunter pour rien. Il y avait déjà suffisamment d’Amy qui devait se faire un sang d’encre pour l’instant.

Alors quand Raffael suggéra de partir et qu’Hunter approuva en disant qu’il voulait mettre ses sœurs à l’abri, Willow approuva. Ce bateau était dangereux et ils devraient revenir mieux équipés, voilà ce que cette expédition leur avait appris. Quand Hunter lui tendit la main et lui demanda si elle venait, la jeune femme pris la main de son Roméo. Il n’avait même pas remarqué qu’il avait appelé Mac «Macky». Elle attendit qu’ils se furent un peu éloignés de leur troupe pour lui en faire part.

- C’est gentil de ta part, ça. Tu sauves la vie de notre docteur préféré. souffla Willow en souriant. Quand Mac va savoir que tout le monde connait le surnom que tu lui donnes, c’est ton joli derrière qui va être sa cible et elle va oublier d’étriper son petit mari. Tu es un amour, mon Roméo!

En riant, elle prit les devants et tira Hunter par la main. Il ne serait rassuré sur le sort de sa sœur que quand il pourrait de ses propres yeux qu’elle allait bien. Et que ses sœurs et Willow seraient descendues de ce maudit bateau. Alors autant rassurer son Roméo et quitter le navire le plus rapidement possible.

Jane se sentait mal à l’aise, elle n’aspirait qu’à retrouver sa chère et tendre solitude. Elle se concentra sur son travail, complétant son plan et commençant simultanément à le recopier en deux exemplaires supplémentaires. Elle releva le menton lorsque Raffael refit son apparition. Il leur donna quelques nouvelles encourageantes concernant l’état de Mackenzie qui semblait fidèle à elle-même. Jane esquissa un sourire, Kaleb allait passer un sale quart d’heure. La jeune femme était toujours quelque peu inquiète mais son intuition lui murmurait que tout irait bien. Si quelqu’un devait leur survivre à tous, c’était bien sa belle-soeur.

Tout le monde semblait disposé à quitter le navire. Jane en comprenait les raisons. Elle qui détestait laisser une tâche inachevée aurait néanmoins aimé terminer le travail quitte à s'en charger elle-même mais l’idée de se retrouver seule sur ce paquebot de malheur lui donnait la chair de poule.

La jeune femme ressentait une gêne croissante. Elle ignorait si cela venait de l’attitude de sa jumelle, des gestes d’affection qui fusaient de toute part, des plaisanteries de Willow ou du fait que tout le monde n’allait pas tarder à s’affairer autour du transport de Mackenzie mais elle se sentait de trop. Le temps était venu pour elle de tirer sa révérence. « Mieux vaut que j’y aille avant que tous les hôtels sympa n’affichent complet. » Elle s’approcha d’Alicia et lui mit une copie du plan dans la main puis fit de même avec Raffael à qui il glissa par la même occasion quelques mots : « Dis à Mac que je pense à elle. Et dis au revoir à Kaleb de ma part, je n’ai pas envie de le déranger. » Jane esquissa un discret sourire, salua l’assemblée d’un signe de tête puis se dirigea vers le quai.

Lorsque Raffael revient, il donna des nouvelles qui se voulaient encourageante mais qui ne changea rien à l’inquiétude de Hunter, ni même à celle de Raffael qui avait proposé de les rejoindre. Hunter venait de partir avec Willow, Jane partait maintenant de son côté. Il regarda Alicia. Elle était sans aucun doute inquiète pour Mackenzie, mais Raffael et Kaleb l’avaient particulièrement irritée et il ne pensait pas qu’elle apprécierait de retourner près de l’aîné. Il regarda son beau-frère qui se préparait à partir lui aussi pour retrouver Mackenzie, mais surtout sa belle Amy.

-Nous aussi nous allons rentrer. Dis à Mac que nous lui souhaitons un bon rétablissement.

Il sentait que Raffael allait ajouter quelque chose, il leva la main pour l’interrompre et secoua la tête, ça ne donnait rien de commencer un débat ici, ni d’en ajouter.

-La journée à été éprouvante pour tout le monde.

Son beau-frère sembla comprendre, il hocha la tête. James le vit hésiter, puis finalement il vient faire Alicia pour l’embrasser de nouveau sur la tête. Ally aurait voulu à nouveau se soustraire, mais James serra sa main pour qu’elle le laisse faire. Ils avaient bien faillit perdre Mackenzie et si ça avait été le cas, ils n’auraient pas eu le temps de lui donner une dernière accolade, un dernier sourire. Il savait que Raffael et Kaleb aimaient profondément Alicia et qu’ils n’avaient pas voulu qu’elle se sente exclue. Il savait aussi que la jeune femme avait le droit de leur en vouloir. Mais il ne voulait pas qu’elle ait de regrets. Si jamais Raff venait à mourir en sortant de ce navire, elle aurait eu des regrets de ne pas l’avoir laissé l’embrasser sur la tête. Il ne voulait pas ça. Il serra la main de la jeune femme pendant que l’homme s’éloignait d’eux et rejoignaient l’autre parti de la famille. Il attira Alicia à lui, l’embrassa doucement avant de lui dire.

-Pas de regrets.

Une simple phrase, mais il savait qu’elle comprendrait. Elle comprenait toujours. Il serra à nouveau sa main dans celle de la jeune femme et l’entraîna avec lui vers l’endroit où ils avaient embarqués sur ce navire de malheur. Il se sentait mieux de partir.

HJ: les manipulations de Raff et Alicia ont été approuvés