Old friend - Samuel

Kaleb m’avait demandé de me rendre dans la salle d’examen, il voulait que je rapporte sa trousse pendant qu’il terminait quelques trucs. J’avais accepté bien sur. J’avais beaucoup à me faire pardonner depuis cette sortie ratée. Celle où j’avais volée la machette de Raffael et était partie toute seule pour ouvrir la trappe. Kaleb m’avait demandé de me faire discrète, il me disait qu’il avait un patient en surveillance. Hunter et Willow l’avait trouvé dans un sal état et l’avaient ramené. J’entrai donc dans la pièce en marchant presque sur la pointe des pieds. Je ne voulais pas déranger la personne qui était probablement endormie sur la civière. Je déposai la trousse dans l’armoire et la verrouillai comme on me l’avait appris. Je me retournai pour faire le chemin inverse tout aussi silencieusement, mais la curiosité l’emportant, je regardai vers la civière pour voir le patient. Je fus estomaqué de voir que je connaissais cette personne. Je restai planté là à regarder le lit, je regardai si sa poitrine se soulevait vraiment. Il était vivant? J’avais beau voir sa poitrine se soulever et redescendre au rythme de sa respiration, j’avais peine à croire qu’il était là et qu’il était vivant. Je m’approchai près du lit très silencieusement. J’avais besoin de voir de plus près.

J’eus l’impression de cesser de respirer. J’avais vu Ricky mourir, enfin, non. Ricky était mort avant que Kaleb ne lui mette cette balle dans la tête. J’avais pensé à lui ce jour-là, penser qu’il devait être mort et souhaité que non. Maintenant, Hunter et Willow le ramenaient sans savoir qui il était. Je m’avançai encore plus près, il était à porter de main. Je pouvais toucher son bras. Non, ce n’était pas mon but. Je m’avançai encore, il était si blême. Il avait un peu maigrit, il avait une cicatrice sur la joue, mais c’était toujours lui. Je touchai ses cheveux doucement. J’avais toujours adoré ses cheveux. Il était gentil avec moi, n’avait jamais essayé de m’abuser ou profiter de moi. Non, il était là pour moi et m’aidait à passer à travers mes journées. La dernière fois que je l’avais vue, c’était avant les zombies. Il avait prit sur son dos le vol dans un petit dépanneur que j’avais fait.

Je touchai sa joue, il était bouillant. Je retournai vers l’armoire où était la trousse de Kaleb. Il y avait un évier, je pris une bassine et la remplit d’eau froide. Il y avait des linges dans un tiroir, je le savais puisque c’était moi qui les lavaient bien souvent. Je faisais ma part pour ses gens qui m’avaient accueillit et me considérait comme un membre de leur famille. Je pris un linge, le plongeai dans la bassine et prit le contenant et son contenu pour l’apporter sur la table de chevet près du lit. Je ramassai le chiffon, le tordit avant de le passer doucement sur le visage et le cou de Samuel. Le contacte du chiffon froid du le tirer de son sommeil, car je le vis ouvrir les yeux.

-Samy, dis-je dans un souffle.

J’avais essayé de lui sourire, mais je n’y étais pas arrivée. Sans doute l’angoisse de le voir dans ce lit, de le voir mal en point, ou alors la joie mélanger à la tristesse de le savoir envie. Tristesse, pourquoi je me sentais triste? Je ne savais pas vraiment. Possiblement que j’avais tellement imaginé qu’il était mort que je ne l’avais pas cherché et la culpabilité devait me rendre triste j’imagine. Je réussis finalement à lui offrir un très léger sourire.

-Je suis contente de te voir en vie.

J’avais spécifié le « en vie » car Ricky n’était qu’un mort marchant quand elle l’avait revu. Je trempai à nouveau le linge dans la bassine d’eau et recommençai à le lui passer au visage et dans le cou. Kaleb avait dit que le patient était fait fort et qu’il allait sans aucun doute sans tirer. Je lui avais demandé avant même de savoir qui était ce patient. J’étais contente de savoir qu’il s’en tirerait. L’infection n’était pas trop avancer pour que ce soit irréversible. Heureusement.

-Kaleb a dit que tu t’en tirerais. C’est une bonne nouvelle non?

Sam était tellement mal en point qu’il ne se souvenait plus très bien de son arrivée à l’hôpital. Il se rappelait par-contre qu’un homme et une femme avaient proposé de l’amener avec eux pour le conduire auprès d’un médecin. S’il avait fini par accepter, c’était parce qu’il savait qu’il avait besoin de soins. C’était ça ou bien c’était s’exposer à crever seul comme un chien et à devenir un monstre. Jamais. Pas sans se battre. Alors il avait accompagné le couple jusqu’à l’hôpital. Il était tellement amoché qu’il était vraiment dans un état second. Il se rappelait que le médecin l’avait ausculté, mais il ne se souvenait pas de grand-chose d’autre à vrai dire. Samuel ne pourrait même pas dire le nom du médecin ou de quoi il avait l’air. Il devait être au bout de ses forces pour avoir perdu le nord comme il l’avait fait.

Alors il était là, couché dans un lit, les yeux fermés. Il voulait dormir, mais il avait du mal. C’était un nouvel environnement, des gens qu’il ne connaissait pas. Et même s’il leur faisait confiance – on disait partout que les habitants de l’hôpital étaient des personnes loyales – il n’en était pas moins sur ses gardes. Dès qu’il serait rétablit, il retournerait dans la rue, avec ses lapins. Sam sursauta quand il sentit qu’on posait quelque chose de mouillé et de frais sur son visage brûlant. Il entendit son surnom et ouvrit les yeux. Ayana. Qu’est-ce qu’elle fichait là? Samuel avait passé des semaines à la chercher. Il avait arpenté la ville en long et en large pour la retrouver sans résultat. Au bout de trois semaines, il avait fini par se faire à l’idée que sa petite peste préférée n’avait pas dû survivre. Si ça lui avait fait de la peine, il avait tout de-même espéré que sa fin avait été rapide, qu’elle n’avait pas eu le temps de voir ce qu’était devenu le monde. Il aurait voulu que cette horreur sans nom lui soit épargnée. Alors la retrouver à l’hôpital lui faisait vraiment étrange. Il ne lui était même jamais venu à l’esprit de venir voir si elle avait trouvé refuge dans cet endroit. Sam avait été con sur ce coup et il l’admettait volontiers.

- Aya...? Non. Dis pas de conneries, mon vieux. Tu délire. Elle ne peut pas être là. souffla Samuel avant de laisser tomber sa tête sur l’oreiller.

La fièvre lui faisait vraiment voir n’importe quoi. Il fallait vraiment qu’il se rétablisse, ça commençait à être urgent. S’il commençait à voir le fantôme d’Ayana, c’est qu’il faisait vraiment une forte fièvre. Il se souvenait d’avoir déjà déliré comme ça une fois qu’il avait été malade. C’était une infirmière de l’hôpital, Livia qu’elle s’appelait, qui l’avait vu aussi amoché qui l’avait aidé à se soigner. Sam avait eu beau lui dire qu’il se débrouillerait, elle n’avait rien voulu savoir. Chaque jour, Livia revenait le voir avec quelque chose à manger, quelque chose à boire, un thermomètre et des médicaments. Elle restait là et s’assurait qu’il avale tout, prenait sa température, l’examinait du mieux qu’elle le pouvait vu les circonstances de la rue et lui donnait un médicament. Avant de repartir, elle lui donnait toujours rendez-vous au même endroit et à la même heure le lendemain. Il ne l’avait jamais revue par la suite, mais il lui en serait toujours reconnaissant. Samuel espérait seulement que cette femme était en vie quelque part. Ou bien qu’elle était morte avant de voir le bordel que les rôdeurs avaient amené avec eux.

Samy ouvrit les yeux et me regarda l’espace d’un instant. Il avait levé la tête avant de la laisser retomber. Il ne croyait pas que je puisse être là. Il alla même jusqu’à dire qu’il délirait. Alors lui aussi m’avait cru morte, tout comme moi je l’avais cru. J’eus un sourire et passai de nouveau le linge humide sur son visage.

-Kaleb a dit que tu allais t’en tirer gros bêta. Je ne suis pas un délire. Moi aussi on m’a sauvé. Comme toi. Je vis ici depuis. Je …

J’hésitais sur les mots à dire. Je le regardai et passai à nouveau ma main dans les cheveux du jeune homme, comme pour attirer son attention.

-Je me suis même trouver une famille, une vraie. Tu verras, ils t’adopteront vite toi aussi. Ils m’ont accepté malgré tout ce que j’ai fait dans la rue pour survivre, alors toi qui a fait la moitié mien, ils vont t’adorer aussi.

Je n’avais jamais connu la joie d’une vraie famille, je savais que Samuel non plus. Je ne savais pas trop comment lui annoncer la suite, c’était beaucoup moins joyeux. Je pris le petit banc au pied du lit et l’approchai. Je grimpai dessus et m’assied près de mon ami. Je continuai à lui passer le linge au visage tout en prenant son autre main. J’espérais ne pas trop lui faire de mal.

-Ricky est mort. Je suis allée avec ma famille à la dernière sortie. On était tous pris sur un toit et en regardant vers le bas je l’ai vu. Il était devenu comme eux. Je … j’aurai pu le tuer, mais mon … père l’a fait pour moi.

Je me souvenais de ce moment, si Raffael voulait que je prenne la décision, Kaleb lui n’avait pas hésité, allant même jusqu’à me tenir contre lui m’empêchant de regarder pendant qu’il mettait un terme à la vie de Ricky.

-Kaleb est un homme bien, lui et sa femme se sont un peu octroyer le rôle de parents adoptif avec moi. J’avais du mal à comprendre au début, pourquoi vouloir d’une fille comme moi. Maintenant, j’ai tendance à les laisser faire. C’est la première fois que je nomme Kaleb avec ce terme « père », mais ce qu’il a fait pour moi ce jour-là, c’est ce qu’un père aurait fait. Même chose pour Mackenzie, elle a agit en vrai mère en me punissant de lui avoir désobéis.

J’eus un sourire.

-Tu t’imagines, une punition sans cris, ni coups. Elle était en colère, mais elle m’a puni en me donnant les tâches les plus détestables.

Je baissai les yeux l’espace d’un instant. Je regardai la main de Samuel, il avait toujours été pâle, mais là, il l’était à l’extrême. Kaleb m’avait dit que son patient été robuste et qu’il survivrait. Il n’en avait pas de doute. Je lui faisais confiance, mais son patient était le seul véritable ami qu’il me restait.

-Tu dois rester quand tu seras guéri. Reste avec moi Samy, ne me laisse plus jamais d’accord. Ces gens sont merveilleux, ils vont t’aimer comme ils m’aiment et tu verras, c’est génial de se sentir aimer. Je ne veux plus qu’on me sépare de toi tu es la seule personne qui ait pris soin de moi dehors, Ricky était gentil, mais c’était toi qui faisait en sorte qu’il le soit avec moi.

Je relevai les yeux pour le regarder.

-Reste avec moi d’accord?

Je voulu chasser cette envie de pleurer qui me prenait au ventre, je lui offris donc un beau sourire après toute cette tristesse.

-Je suis vivante, tu vois. Un fantôme ne jacasserait pas autant que moi.

C’était clair, la fièvre le faisait délirer. Il avait des hallucinations. Visuelles et auditives par-dessus le marché. Sans compter qu’il sentait un linge frais sur son visage. Mais c’était confus. Comment une hallucination pouvait jacasser autant? Pourquoi son cerveau fatigué ne pouvait-il pas juste la chasser et la faire taire? Ayana était morte, comme Ricky. Pourquoi son cerveau ne pouvait-il pas le laisser tranquille avec ça? Penser à ses amis qu’il avait perdus le rendait triste. Son cerveau ne devait-il pas être en mesure de le protéger de ça? N’avait-il pas de mécanisme de défense quelconque? Samuel avait peut-être beaucoup d’imagination, mais pas à ce point-là. Pas au point de s’imaginer une conversation qu’Ayana pourrait entretenir à elle seule. Pas en inventant une famille formée par les gens habitant l’hôpital, des gens qui l’adopteraient lui aussi. C’était complètement stupide et c’était probablement la preuve que sa cervelle était sur le point de se liquéfier.

A moins que son cerveau détraqué se cherche quelque chose à quoi se raccrocher en s’imaginant Ayana en vie et en sécurité? Bien entourée par une famille qui prenait soin d’elle comme elle le méritait. Il lui fallait se rendre à l’évidence, son cerveau commençait à surchauffer. Ou bien… ou bien il ne rêvait vraiment pas, son cerveau ne déraillait pas à cause de la fièvre et… et Ayana était vraiment là à côté de lui. Non, ça ne pouvait pas être vrai. C’était complètement ridicule. Il était ridicule et la fièvre lui faisait croire n’importe quoi.

- Par pitié, si tu es une hallucination, vas-t-en. souffla Samuel en fermant les yeux. Maudite cervelle! A cause de toi, ça va faire encore plus mal de penser que pendant deux minutes, je l’ai crue vivante. maugréa-t-il en fermant le poing sur la couverture qui le couvrait.

Sam se força à ouvrir les yeux pour affronter la réalité. Quand il verrait qu’Ayana n’était pas là, peut-être que son cerveau voudrait enfin le laisser reposer en paix. Mais c’était peine perdue, car Ayana se trouvait toujours devant lui, le regardant curieusement, comme s’il était devenu fou. Non, ça il ne pouvait pas l’halluciner. Elle était… elle était réellement là? Elle était vivante alors qu’il l’avait crue morte durant tout ce temps? Il l’avait cherchée tellement longtemps, il avait tellement voulu la protéger, la mettre à l’abri, mais sans résultat. Il interrogeait toutes les personnes qu’il croisait, avait laissé des messages à son intention partout en ville, mais il n’avait jamais réussi à la retrouver et il s’était senti tellement coupable…

- Pitié, dis-moi que tu es vraiment là. Je… je m’en suis tellement voulu de ne pas être arrivé à te retrouver.

Il croyait vraiment qu’il délirait et mon cœur se déchira en l’entendant dire à mon « apparition » de partir que ce serait plus difficile pour lui sinon. Il finit par vraiment ouvrir les yeux, par me regarder. C’était comme s’il avait eu l’impression de ne pas me voir plus tôt et que là, maintenant, il me voyait pour de vrai. Il implorait ma pitié, me suppliait de lui dire que j’étais bien là. Il s’en voulait de ne pas m’avoir trouvé. J’eus un sanglot, je n’avais pas pu le retenir, il semblait si misérable coucher ainsi, pâle et la culpabilité se lisant dans ses yeux. Incapable de dire un seul mot, je pris sa main dans la mienne et la portai à ma joue humide pour qu’il puisse en toucher la peau et la larme qui y roulait. Quoi de plus tangible que la peau. Sa main était froide, brûlante presque. Je l’appuyai sur ma joue et eut un soupire. J’étais soulagée de le voir là, soulagée de savoir qu’il allait vivre malgré tout.

-Je suis là Sammy, en chair et en os. Je te le promets. Et arrête de culpabiliser, d’accord. Moi aussi j’ai essayé de te trouver, sans succès. Tu es là vivant, moi aussi, c’est tout ce qui compte.

Comme si j’étais une enfant de huit, je serai son bras contre moi, comme si ce dernier était un nounours confortable que l’on serrait pour se rassurer le soir avant de dormir. C’était stupide et immature de ma part. J’étais peut-être en train de lui faire mal, pourtant je l’avais fait comme une enfant qui avait un besoin incompréhensible d’être rassuré. Bon, d’accord, il était fort possible que c’était ce donc j’avais besoin en ce moment, mais ce n’était pas une raison pour lui faire mal. Je relâchai mon étreinte doucement et reposai son bras sur le lit jusqu’à ce que sa main touche à nouveau les draps. Je ne lâchai pas sa main pour autant cependant. Je savais qu’elle n’était pas blessée et je ne le laisserais pas croire à nouveau que je n’étais pas vraiment.

-Tu as soif? Je peux te donner de l’eau. Si tu as faim aussi, je peux voir avec Kaleb ce que je peux te donner. C’est lui le médecin, lui qui décide si tu peux manger ou si je dois attendre avant de te donner des aliments solides.

J’avais parlé rapidement, comme presque chaque fois que j’étais nerveuse. J’étais si heureuse de le voir là, de savoir qu’il était vivant. La mort de Ricky m’avait beaucoup ébranlé et de savoir que Samuel était vivant mettait un baume à cette blessure. Sam avait toujours été mon meilleur ami, plus proche de moi que Ricky n’aurait jamais pu l’être. Ma joie était donc plus forte que la peine que j’avais eu à voir mourir Ricky. J’en ressentais une certaine culpabilité, Ricky m’avait aidé et je l’avais grandement apprécié. Sa mort, à un si jeune âge, était tragique. Mais Sammy était là, vivant.