Sortie de nuit [Andy]

Sa dernière conversation avec Andrea avait été catastrophique, elle avait probablement mal interprété le fait qu’il change d’enclos. Il ne voulait pas la forcer à quoi que ce soit et elle avait vu ça comme s’il prenait la fuite. Du moins, c’est ce qu’il avait compris de la colère qu’elle avait dans la voix lorsqu’elle lui avait annoncé qu’elle avait dû se faire payer pour coucher avec des homme afin de garder un toit sur la tête de sa sœur. Il avait été surpris de l’entendre dire ça, il n’aurait pas cru qu’elle ait dû faire ça. Il ne la jugeait pas cependant, il savait que si elle avait dû en arriver là, c’est qu’elle n’avait plus de solution. Il aurait pu la suivre et lui parler, mais il avait bien senti que ce n’était pas le moment. Il avait donc attendu, mais le soir venu, il avait vu que la jeune femme avait prise ses affaires, vidé la chambre. Il savait qu’elle n’avait pas simplement changé de chambre. Non, il le sentait.

Il s’était dirigé vers la sortie et il avait vu la jeune femme partir. Heureusement, il était arrivé à temps pour la voir partir. Il ne prit pas le temps d’aviser, ni de prendre quoi que ce soit. Il n’avait que ce qu’il avait sur lui, un couteau pour nettoyer les sabots. Il suivit la jeune femme jusqu’à la clinique dentaire. Elle y entra. Mais qu’allait-elle faire là? Il la suivit, laissant une distance raisonnable. Il ne voulait pas qu’elle fuit devant lui. Il resta dans l’ombre, faisait en sorte que les portes restent silencieuses lorsqu’il les ouvrait ou les refermait. Il la regarda s’installer pour la nuit avec son sac de couchage à même le sol. Il la laissa s’installer avant de se laisser voir par la jeune femme.

-Ne fait pas ça Andy, je t’en pris ne part pas comme ça.

Il s’approcha doucement et vint s’installer à ses côtés. Il la regarda dans les yeux, il voulait qu’elle puisse voir qu’il n’y avait aucun dégoût, aucun jugement dans ses yeux. Jamais il ne se permettrait de la juger. Elle l’avait fait pour que sa sœur ait un toit et qu’elles puissent rester ensemble. C’était louable et rien ni personne ne pouvait lui enlevé ça de la tête. Il prit la main de la jeune femme dans la sienne, enlaça leurs doigts regardant l’effet des doigts de la jeune femme croiser entre les siens.

-Je te l’ai dit Andy, je suis là pour rester. Je suis là pour toi d’accord. Tu as dû faire quelque chose qui te répugne pour assurer à ta sœur d’avoir un toit sur la tête. Tu crois sincèrement que ça pourrait me dégoûter? Tu n’es pas ce que tu as fait avec ses hommes Andy, tu as fait un choix, pas pour toi, pour ta sœur. Tu t’es sacrifié pour elle.

Il avait regardé la jeune femme dans les yeux en parlant. Chaque mot qu’il utilisait était pensé, réfléchit et ressentit. Jamais il ne pourrait juger ce qu’elle avait fait, elle ne l’avait pas fait pour elle, elle l’avait fait par amour de sa sœur. Il garda la main de la jeune femme dans la sienne, il était hors de question qu’il la lâche tant qu’elle ne lui indiquait pas que c’était ce qu’elle voulait. Il avait fait ce qu’il avait cru le mieux pour elle dans leur dernière conversation, il s’était planté sur toute la ligne. Cette fois, il ferait à sa tête.

Andrea s’était terrée dans les cuisines toute la journée. Elle n’avait vu personne. Pas même Ayana qui aimait pourtant venir lui rendre une petite visite de temps à autres pour lui proposer ses services. Mais à vrai dire, ça arrangeait bien Andy de n’avoir vu personne ce jour-là. Elle n’était pas d’humeur à faire la conversation aux autres et à prétendre que tout allait bien alors que ça n’allait pas du tout. Sur l’heure du dîner, elle avait prétexté avoir déjà mangé pour aller directement dans sa chambre. C’était parfait, tout le monde étaient à la cafétéria, aussi était-elle certaine de ne croiser personne. N’ayant que très peu de possessions, faire son sac avait été un jeu d’enfant. Il ne lui restait que quelques vêtements à prendre dans le placard, les enfouir dans son sac à dos et à prendre son sac de couchage. Elle s’était ensuite cachée dans un coin et avait attendu que le soleil ne commence à se coucher. Andrea avait attendu longtemps, mais elle avait fini par réaliser qu’elle aurait dû partir pendant que tout le monde était encore à la cafétéria. Il n’y aurait que les deux personnes qui faisaient les rondes autour du terrain pour s’assurer que personne ne tentait d’entrer, mais parce qu’elle avait été bête, Andy avait préféré attendre que la noirceur commence à s’installer.

C’était con! Si elle n’avait pas été aussi stupide, elle aurait pu mettre à profit les quelques heures de clarté qui lui seraient restées pour mettre le plus de distance possible entre elle et l’hôpital. Andy aurait pu essayer de gagner le stationnement et piquer une voiture. Shane lui avait montré quelques petits trucs pendant les six mois qu’ils avaient passés ensembles et faire démarrer une voiture sans la clef était une des premières leçons qu’il lui avait données. Après avoir piqué une voiture, Andy aurait pu quitter la ville et se rendre le plus loin possible. Elle n’avait pas vraiment d’itinéraire précis en tête, tout ce qu’elle voulait, c’était quitter Houston. Pour une petite bourgade où il n’y aurait peut-être pas trop de rôdeurs peut-être. Son plan n’était pas bien précis, tout ce qu’elle avait en tête, c’était de mettre le plus de distance possible entre Houston et elle. Entre Christopher et elle.

Alors oui, attendre que la nuit soit tombée était la pire idée qu’elle avait eue. Maintenant, elle se terrait dans un cabinet de dentiste et essaierait de dormir un peu d’ici à ce que le soleil ne se lève. Une fois le soleil levé, Andrea n’aurait plus qu’à mettre son plan à exécution. Elle venait tout juste de s’installer dans son sac de couchage, contre un mur qui faisait face à la porte quand une voix qu’elle ne connaissait que trop bien la fit sursauter.

Merde! Qu’est-ce que Christopher fichait là? Il avait dû se rendre compte qu’elle n’était pas dans la chambre. Il avait dû l’attendre un moment avant de se mettre à sa recherche. Il ne fallait pas être bien malin pour comprendre qu’il avait dû la voir franchir les grilles de l’hôpital pendant que les deux guetteurs étaient dans l’autre secteur du périmètre. Il avait dû la suivre et elle, pauvre conne, elle ne s’était rendu compte de rien! Comment avait-elle pu se montrer aussi stupide? Pourquoi avoir attendu que le soleil se couche? Pourquoi fallait-il que Chris vienne la chercher aussi? Ne pouvait-il pas la laisser partir? C’était ce qu’il y avait de mieux pour tout le monde!

Quand Chris s’installa à ses côtés et qu’il lui prit la main, Andrea fut incapable, encore une fois, de la lui retirer. Et ça, même si son cerveau lui hurlait de s’écarter de Chris, que c’était se faire mal inutilement que de rester là à ressasser le passé. A l’en croire, il était là pour rester, il était là pour elle. La belle affaire! Tout le monde meurt. Andy le savait pour l’avoir vécu à 4 reprises. C’était suffisant, elle ne tenterait pas le sort de nouveau. Mais Chris continua sur sa lancée, disant qu’elle s’était sacrifiée pour Nathalie. Qu’en savait-il, hein? Que savait-il des sacrifices qu’on pouvait faire pour quelqu’un qu’on aimait? Comment pouvait-il affirmer que ça ne le dégoûtait pas alors qu’elle se faisait horreur à elle-même?

- Pourquoi est-ce que tu es là, hein? Pourquoi tu ne me laisses pas partir? Personne n’a besoin de la pute de service!

Pourquoi n’était-elle pas capable de se lever et de partir? Pourquoi ne pouvait-elle pas simplement le quitter? Pourquoi c’était aussi difficile?

-La pute de service. Andy, s’il-te-plaît. Tu n’es pas la pute de service.

Il resserra ses doigts autour de ceux de la jeune femme et il s’approcha doucement. Il ne voulait pas la faire fuir. Mais il ne tenait pas non plus à rester loin d’elle. Il voulait prendre le temps de bien choisir ses mots, Andy se détestait pour ce qu’elle avait dû faire. Il savait qu’elle l’avait fait par nécessité et non par simple choix. Certains diront qu’elle en avait d’autres, sans doute, peut-être auraient-ils raison, mais quand on est au désespoir, on ne voit pas toutes les solutions qui s’offrent à nous et on prend ce que l’on croit être le bon. Elle avait dû vendre son corps pour subvenir aux besoins de sa sœur, elle ne l’avait pas fait pour le plaisir, mais parce qu’elle savait qu’elle pourrait gagner rapidement l’argent dont elle avait besoin.

-Tu es la femme qui a enduré les perversions sexuelles d’homme près à payer pour. Tu es la femme qui a fait ce qu’elle pouvait pour amener de la nourriture sur la table pour sa sœur, celle qui a dû payer les factures pour garder un toit sur la tête de celle qu’elle aimait plus que tout.

De sa main libre, il prit le menton de la jeune femme pour qu’elle le regarde bien en face, il voulait qu’elle voie qu’il était sincère et qu’il pensait chaque mot qui sortait de sa bouche. Elle ne le dégoûtait pas, elle ne le dégoûterait jamais. Elle était une femme merveilleusement forte et c’était ce qu’il voyait en elle. Il voulait qu’elle le voie à travers ses yeux.

-Tu n’es pas la pute de service, tu es la femme avec le plus grand cœur au monde. Tu as fait la chose qui te répugnait au plus haut point, au risque de te détester jusqu’à la fin de tes jours simplement pour pouvoir offrir les besoins primaires dont Nathalie avait besoin.

Elle lui avait demandé pourquoi il ne la laissait pas partir, pourquoi il était là. La réponse était simple non? Ne la voyait-elle pas? Il eut un petit sourire triste.

-Je t’ai laissé partir la première fois … j’ai permis que tout se termine. Pas cette fois. Si j’avais agis la première fois, les choses auraient peut-être été différente autant pour toi que pour moi.

Il eut un soupire et rapprocha de lui la main dans laquelle il tenait toujours fermement celle de la jeune femme. Il déposa un baiser sur chaque doigt, terminant par le dessus de la main.

-Je suis là pour toi, parce que j’ai envie d’être là et je n’ai aucune envie de te voir partir.

Comment pourrait-elle s’en sortir maintenant? Prendre la décision de partir n’avait pas été facile, mais elle l’avait fait. Pour le bien de Chris. Pour le bien de tout le monde, incluant le sien. Pourquoi fallait-il qu’il complique les choses ainsi? Ne pouvait-il pas la laisser partir et arrêter d’essayer de la retenir? Pourquoi Andrea devait-elle se souvenir qu’elle avait un jour ressenti quelque chose pour Christopher? Pourquoi est-ce que ce sentiment n’était pas mort de sa belle mort? Pourquoi était-il toujours aussi présent? Parce que ça faisait un mal de chien de savoir qu’elle avait toujours un gros faible pour lui alors qu’il était clairement impossible que quelque chose se passe entre. Pas après ce qu’elle lui avait révélé. Et même si Andy avait gardé son secret, elle n’aurait jamais pu entreprendre une relation plus personnelle avec Chris en le lui cachant. Bref, d’une manière ou d’une autre, rien ne pouvait se passer entre eux.

Christopher avait beau lui dire qu’elle n’était pas la pute de service, mais celle qui avait subi la lubricité des hommes qui avaient payé pour coucher avec elle, qu’elle ne l’avait fait que par amour pour Nathalie, ça ne changeait rien. Ça ne changerait jamais ce qu’Andrea pensait d’elle-même. Pour le moment, il se montrait vachement convaincant et si Andy était tentée de le croire, elle s’en empêchait. Parce que tôt ou tard, il finirait par la regarder et être dégoûté de ce qu’il verrait. Il avait beau dire, beau faire, il aurait du mal à lui faire entrer dans le crâne que ça ne se produirait jamais. Peut-être disait-il vrai pour le moment, peut-être Chris n’était-il pas dégouté, mais Andrea savait que tout avait une fin. Ça aussi. Avant longtemps, il l’aurait en horreur. Ce n’était qu’une question de temps.

Peu importe ce qu’Andy pouvait trouver à lui répondre, Chris avait une réponse à lui opposer. On ne pouvait nier qu’il faisait preuve d’une grande ténacité. Mais pourquoi s’acharnait-il comme il le faisait? Comme s’il lisait dans ses pensée, Chris confia qu’il l’avait laissée partir la première fois, que s’il ne l’avait pas fait, les choses auraient pu être bien différentes, autant pour elle que pour lui. Il embrassa le bout de ses doigts avant de lui redire une fois de plus qu’il était là pour elle. Mais cette fois, il ajouta qu’il avait envie d’être là et n’avait pas envie de la voir partir. Les larmes lui montèrent aux yeux, mais Andy détourna le regard, ne voulant pas que Christopher la voit pleurer.

- Je veux bien croire que tu le penses sincèrement, mais… tôt ou tard, tu verras les choses autrement. Tu finiras par me mépriser autant que je me méprise. Et bientôt, tous les autres penseront la même chose si je reste.

Plus que jamais, son intention de partir était là. Elle ne pourrait rien apporter de bon aux autres, alors autant quitter Houston que d’être un poids… et d’avoir mauvaise conscience.


HJ: Désolée, c'est le mieux que je suis arrivée à faire. J'espère que ça t'inspirera quand même!

La jeune femme avait détourné les yeux alors qu’il avait vu les larmes qui emplissaient ses yeux. Il ne voulait pas qu’elle se cache. Il ne voulait pas qu’elle ait honte de souffrir devant lui. Il prit son visage de sa main pour qu’elle le regarde en face. Elle avait dit qu’il finirait par voir les choses autrement, qu’elle finirait par le dégoûter. Il lui caressa la joue du pouce, doucement. Il planta son regard dans celui de la jeune femme. Elle disait que ceux du groupe aussi finirait par la voir comme elle, elle se voyait.

-J’ai tué mon père Andy.

Il l’avait dit sur un ton égal. Il se sentait toujours aussi coupable de cette histoire, elle le rongeait depuis toujours. Mais il avait appris à vivre avec ce remord et faire avec. Il ne se dégoûtait plus lorsqu’il se regardait dans un miroir, mais il avait grandi sans modèle masculin et s’était sa faute à lui et à personne d’autre.

-Je ne l’ai pas fait de façon intentionnelle bien sûr, mais c’est quand même par ma faute qu’il est mort. J’ai désobéis et il a dû sacrifier sa vie pour me sauver.

Il cessa de caresser la joue de la jeune femme et se rapprocha encore d’elle. Il passa son bras autour de la jeune femme, il l’attira à lui doucement. Il gardait toujours sa main dans la sienne, entrelacé serré. Il l’étreignit doucement. Il n’y avait aucune connotation sexuelle dans son geste, seulement une tendresse infinie. Il déposa un baiser dans le cou de la jeune femme avant de lui chuchoter à l’oreille.

-Personne n’a à savoir quoi que ce soit et s’ils viennent qu’à l’apprendre d’une façon ou d’une autre, je sais déjà que plusieurs d’entre eux ne te jugeront pas non plus. Tu es celle qui te juge le plus durement.

Il eut un soupire avant de poursuivre.

-Tout comme moi. J’avais quatre ans quand mon père est mort, je ne le voulais pas. Je voulais juste jouer. Mais je suis responsable de sa mort tout autant que tu étais responsable du bien-être de ta petite sœur. Tu comprends?

Non, elle ne pouvait pas comprendre. Il s’exprimait mal. Il n’arrivait pas à dire ce qu’il voulait exprimer comme il faut. Il continua pour tenter d’expliquer sa pensée de façon plus claire. Chose qui n’était pas évidente pour lui.

-Tu as fait au mieux, tout comme mon père à fait pour le mieux en me sauvant. Ça ne m’enlève pas ma culpabilité, mais ce jour-là, s’il avait dû me voir mourir, c’est lui qui aurait eu des remords même si c’était ma faute.

Il la regarda bien en face pour continuer.

-Comment te serais-tu senti s’ils avaient pris Nat et l’avait placé dans un foyer étranger Andy? Tu ne l’aurais pas supporté. Je le sais. Tu le sais aussi. Alors tu as sacrifié ton corps pour la garder avec toi, malheureuse tu as dû sacrifier aussi l’estime de toi pour ce faire. Mais je suis sur que tu ne regrettes pas de l’avoir fait, car tu as gardé ta sœur avec toi. Tu n’aurais pas supporté de vivre loin d’elle, entre deux maux, tu as choisi le moindre à tes yeux; sacrifier ton être. Mon père à fait la même chose Andy, j’ai mal de l’avoir perdu, mais il a fait don de sa vie pour la mienne. Il ne me dégoûte pas, tu ne me dégoûtes pas et tu ne me dégoûteras jamais.

Il l’étreignit à nouveau avant de relâcher doucement son étreinte. Il ne voulait pas qu’elle croit qu’il n’en voulait qu’à son corps. Avec ce qu’elle avait vécu, il ne pouvait lui en vouloir de croire que les hommes n’avaient qu’une idée en tête. Lui voulait être près d’elle, il se fichait bien du sexe, il voulait seulement la sentir contre lui. C’était réconfortant. Il espérait qu’elle le comprendrait ainsi.

Elle comprenait les arguments de Christopher, mais… c’était plus fort qu’elle, Andy ne pouvait pas y croire. Oui, elle avait fait ce qu’il fallait pour s’assurer qu’on ne lui retire pas la garde de Nathalie. Oui, elle s’était sacrifiée pour garder un toit sur la tête de sa petite sœur et si c’était à refaire, Andrea le referait sans prendre le temps d’y réfléchir à deux fois. La jeune femme comprenait ce qu’il lui disait pour son père qui avait sacrifié sa vie pour sauver la sienne, mais Andrea ne pouvait pas s’empêcher de se dire que ce n’était pas la même chose. C’était tragique et il devait s’en vouloir pour ce qui s’était produit à l’époque, mais ce n’était tellement pas la même chose, ce n’était tellement pas comparable… Jamais Andy n’aurait le culot de dire que la mort du père de Chris était minime en comparaison du fait qu’elle avait dû se faire sauter par des hommes en maque de peau… Mais comment lui faire comprendre qu’il faisait fausse route? Que la situation n’était pas du tout comparable? C’était comme… comme comparer des bananes et des kiwis!

- Si c’était à refaire, je le referais, mais… tu ne comprends pas. Tu ne peux pas comprendre, tu ne peux pas savoir à quel point ça me hante encore. Je suis confrontée à ça tous les jours.

Ce que Chris ne comprenait pas, ce qu’il ne savait pas, c’était que certains des hommes présents à l’hôpital avaient été ses clients. Enfin, trois de ces hommes étaient d’anciens clients à elle. Jusqu’à maintenant, ils la fermaient et ne racontaient rien à personne, mais ils la menaçaient sans arrêt. Si Andy ne voulait pas que les autres apprennent qu’elle s’était fait baiser pour de l’argent, il fallait qu’elle les laisse se servir d’elle comme… comme une poupée gonflable. Qu’elle leur donne plus de nourriture qu’aux autres, qu’elle lave les quelques vêtements qu’ils possédaient. Et si Andy avait le malheur de ne pas vouloir se mettre à genoux devant eux parce qu’elle ne voulait pas les laisser faire ce qu’ils voulaient d’elle, ils la frappaient. Ils prenaient toujours soin de taper là où on ne verrait pas les marques et ils savaient qu’Andrea les laisserait faire, ils avaient vite compris. Ils avaient rapidement compris que la dernière chose qu’elle voulait, c’était que tout le monde sache qu’elle n’était rien d’autre qu’une fille de joie.

Alors non, jamais elle ne le lui confierait. Il avait beau dire que jamais elle ne le dégoûterait, Andy savait que s’il apprenait qu’elle en était encore réduite à se faire baiser, mais cette fois en échange d’un secret, il ne voudrait plus jamais rien savoir d’elle. C’était peut-être ce qui lui ferait le plus mal au final.


Je m'excuse, ç'a été long et j'ai bien peur que ça ne soit pas super.

Elle disait qu’il ne comprenait pas. C’était possible en effet. Peut-être qu’il ne comprenait pas ce qu’elle vivait. Peut-être qu’elle lui taisait tellement de chose qu’il ne pouvait pas saisir tout ce qui la hantait encore. Il eut un soupire et embrassa de nouveau sa main avant de la regarder dans les yeux. Elle avait raison, il ne pouvait pas comprendre. Il n’avait fait le don de soi pour personne. D’accord, il s’était occupé de sa mère pendant sa maladie, mais l’argent que la mort de son père avait « rapporté » était resté dans un fond qui devait servir en cas de coup dur. Ce fond avait, en partie, été utilisé pour payer les soins de sa mère et les frais médicaux. Chris n’était pas dans le besoin et ne l’aurait jamais été avec cet argent qui avait profité durant toutes ses années. Il ne savait pas ce qu’était de ne rien avoir à manger sur la table. Sa mère et lui n’avaient jamais vécu au dessus de leur moyen et vivaient simplement. Mais ils n’avaient jamais connu l’endettement ou le manque de quoi que ce soit. Il avait travaillé fort toute sa vie, depuis son plus jeune âge. Il savait ce qu’était le dur labeur, mais ne savait pas ce qu’était de s’inquiéter de ne pas pouvoir payer la prochaine facture.

-D’accord Andy, tu as raison. Je ne comprends pas. Je ne l’ai pas vécu.

Il avait utilisé un ton neutre pour parler, il ne voulait pas que la jeune femme croit qu’il était fâché ou quoi que ce soit, non, il en était simplement venu à la conclusion qu’elle avait raison sur ce point. Il n’avait jamais eu à vendre quoi que ce soit et son corps encore moins. Il savait cependant que jamais il ne la jugerait pour ce qu’elle avait fait, jamais il ne le pourrait. Il eut un nouveau soupire, il avait capitulé sur ce point, mais il ne lâcherait pas le morceau pour autant.

-Reviens avec moi à l’hôpital Andrea. Je t’en prie.

Il prit l’autre main de la jeune femme et ses deux mains entre les siennes. Il la regarda dans les yeux.

-Si c’est ce que tu veux, je te ficherai la paix. Je t’éviterai au possible si c’est réellement ce que tu veux. J’aurai mal de devoir le faire, j’aurai sans aucun doute des rechutes, mais je te promets de faire tout ce que je peux pour faire ce que tu veux. Je veux seulement que tu reviennes avec moi, que tu ne quittes pas la sécurité que t’offrais l’hôpital avant que je n’y mette les pieds. Je demanderai à Willow de me changer de chambre s’il le faut. Je m’en fiche. Mais reviens avec moi Andy. C’est tout ce que je demande.

Il se pencha et embrassa ses deux mains avant de la regarder de nouveau le regard suppliant. Il préférait la savoir près de lui et inaccessible que loin et en danger dans les rues de cette ville. Il savait bien sûr que les monstres n’existaient pas simplement en dehors de l’hôpital, il en avait repéré quelques uns dans l’hôpital même, des monstres que l’on appelait humain. Il la protégerait. De loin s’il le fallait, mais il la protégerait. Si elle décidait de partir, il la suivrait. Willow lui en voudrait sans aucun doute, mais Will avait une nouvelle famille, elle avait des gens sur qui compter, pas Andy. Andrea était seule et il ne la laisserait pas partir sur la route seule ainsi. C’était impensable pour lui.

Retourner à l’hôpital avec lui? Ça lui tentait à peu près autant que d’aller se faire arracher une dent sans anesthésie d’aucune sorte. Autant dire qu’Andy n’en avait aucune envie. Mais comment pourrait-elle lui expliquer toutes les raisons qui la poussaient à vouloir partir? Les clients qu’elle avait eus qui étaient là et cherchaient tous les prétextes possibles pour abuser d’elle de toutes les manières en plus de Christopher… c’était trop pour elle. C’en faisait trop à supporter, mais comment pourrait-elle lui expliquer que ce n’était pas qu’à cause de lui qu’elle souhaitait partir. Certes, la peur de le voir un jour la regarder avec dégoût était sans doute la raison principale, mais il y avait une autre raison qu’elle taisait. A vrai dire, personne ne savait et Andrea espérait que ça resterait ainsi. Exposer la vérité, c’était s’exposer elle aussi et ça, c’était une chose qu’Andy refusait de voir arriver. Jamais les autres membres du groupe n’apprendraient ce qu’elle avait dû faire pour survivre. Mais retourner à l’hôpital, c’était s’exposer à ce que ses clients veuillent encore l’utiliser. Et c’était ça ou les voir annoncer à tous qu’elle se faisait baiser pour gagner sa vie.

- Crois-moi, je voudrais pouvoir revenir à l’hôpital, mais… si je redoute que tu finisses par être dégoûté de moi, ça serait encore pire pour moi de te voir m’éviter. Je… je ne le supporterais pas.

Finalement, c’était peut-être bien ça le pire, l’entendre lui suggérer qu’il allait tout faire pour l’éviter. Ce n’était tellement pas ça! Andrea tenait à lui! Beaucoup plus qu’elle ne l’aurait dû, mais c’était ainsi. Elle avait peur de le voir un jour la regarder et être complètement dégoûté par ce qu’il voyait. Il avait beau dire que ça n’arriverait jamais, il viendrait forcément un moment où ça le répugnerait. Et plus le temps passait, plus elle attendait avant de partir, plus Andy risquait de s’attacher à lui. Allons! Soyons honnête! Elle l’aimait. A l’époque, au tout début c’était un simple béguin, mais à force d’apprendre à le connaitre avec le temps, la situation avait évoluée. Et si jamais c’était partagé comme sentiment? Chris pourrait-il supporter l’idée que d’autres hommes se soient vautrés sur elle? Andy ne le supportait pas, comment pourrait-il y arriver, lui?

- J’ai… je crains aussi que les autres finissent par l’apprendre. Pas de toi, évidemment, mais…

Andrea s’interrompit. Elle ne pouvait pas se permettre d’en dire davantage. Si elle parlait plus qu’elle ne l’avait déjà fait, Christopher comprendrait qu’on la menaçait à l’hôpital. Elle espérait seulement qu’elle n’en avait pas déjà trop dit.

- Les secrets ne restent jamais secrets bien longtemps.

Elle redoutait de le voir être dégoûté d’elle, mais elle ne voulait pas le voir l’éviter non plus. Elle avait peur, peur que son secret soit découvert et exposé aux yeux de tous. Cette crainte devait être fondée sur quelque chose mais Christopher était loin de se douter que la jeune femme vivait des abus physique en échange de menaces. S’il l’avait su ses mecs auraient vite été confrontés à lui. Mais elle gardait tellement de détails afin de ne pas lui déplaire ou être mal vu dans les yeux de Chris. Il aurait aimé qu’elle se confie à lui, lui fasse confiance. Mais en vérité, elle ne le connaissait pas assez bien et il pouvait admettre qu’il ne la connaissait pas aussi bien qu’il le croyait. Elle avait pataugé seule, lui aussi, mais lui n’avait eu aucun obstacle devant lui ou presque. Il poussa un soupire, que pouvait-il répondre au fait que les secrets ne restaient jamais secrets très longtemps. Non, en effet, elle avait raison. Rien ne pouvait rester caché éternellement. Gardant la main de la jeune femme dans la sienne, il se leva doucement pour venir s’installer derrière elle, il fit en sorte qu’elle soit appuyée sur lui. Après s’être installé et avoir fait en sorte qu’elle soit confortable, il parla.

-D’accord, voilà ce que je te propose. Tu vas commencer par dormir pendant que je veillerai sur toi. Non, ce n’est pas négociable. Je sais que tu es épuisée et tu as besoin de dormir. J’ai pu faire une sieste moi cette après-midi, donc je suis en pleine forme.

Il n’avait pas très bien dormit, mais ça il le passa sous silence. Il n’avait pas mentit, il se sentait très réveiller et ne dormait pas sur commande. Il fallait qu’il soit en « état » pour dormir. Sinon ses sens restaient en éveille. La vie de fermier demandait parfais que vous restiez auprès d’une bête qui mettait bas toute une nuit, les autres animaux n’attendaient pas que vous ayez dormit pour avoir leur pitance. Il savait se montrer vaillant même avec quelques heures de sommeil. Il lâcha finalement la main de la jeune femme pour l’entourer de ses bras.

-Demain matin, tu me diras si tu as toujours envie de partir. Si la réponse est oui, alors je partirai avec toi. On passera par l’hôpital pour dire au revoir et merci et nous partirons, quitte à retourner à la ferme. Peu importe, je t’accompagne et là non plus ce n’est pas négociable. Et tu n’as pas le droit de me fausser compagnie. Je respecterai ta décision, mais tu devras respecter la mienne aussi.

Il ne voulait pas la perdre. C’était une certitude qu’il ressentait au plus profond de lui-même. Il avait cru être amoureux de Willow dans l’adolescence, il avait vite compris qu’elle était plus une sœur qu’une amoureuse. Tout comme aujourd’hui, il comprenait que cette femme était celle qu’il voulait pour accompagner ses derniers jours, peu importe le nombre qui lui restait.

-Et si tu décides de rester, je serai là à tes côtés, te promets de ne pas être aussi envahissant qu’en ce moment, mais de ne pas t’éviter non plus. Je ferai en sorte que tu sois le mieux possible et veillerai à ce qu’on ne te fasse pas de mal que ce soit intentionnel ou non.

Il eut un petit sourire faisant en sorte que la jeune femme le regarde.

-Je ferai en sorte de devenir ton indispensable Andy, celui dont tu ne pourras plus te passer.

Il déposa un baiser sur le bout du nez de la jeune femme. Il aurait préféré l’embrasser, mais il préférait y aller doucement avec elle. Elle avait connu trop de chose d’homme qui promettait mer et monde à leur femme pour aller la payer elle derrière le dos de ses mêmes femmes pour assouvir leurs plus bas instinct. Elle ne pouvait pas le croire s’il ne lui donnait qu’un intérêt sexuel, il l’avait bien compris. C’est pour ça qu’il faisait en sorte de garder un contact physique sage et sans aucune avance sexuelle. Ce n’était pas ce dont elle avait besoin et lui non plus, en ce moment, il cherchait le réconfort, autant pour elle que pour lui-même. Elle ne lui répondit pas, elle se contenta de fermer les yeux et de laisser Morphée la prendre dans ses bras. Il écouta sa respiration se faire régulière et veilla sur elle jusqu'au matin.