Ready for rumble ~pv Jane~

Liam venait de sortir de la douche, il se servait de celle des vestiaires, celle que les joueurs de basketball utilisaient dans le temps après les joutes. Lee aimait cet endroit, avec Aidan, ils étaient souvent venus voit les parties. Ils avaient même fait des paries amicaux quelques fois. Liam était fort pour deviner qui allait gagner, Aidan perdait souvent face à lui. L’homme eut un sourire en repensant à ceci. Aidan lui manquait, vraiment. Il avait dû faire en sorte que son ami ne devienne pas un zombie. Aidan n’était pas mort de sa main, mais c’était tout comme. Il perdit ce sourire qu’il avait eu si brièvement. Les bons souvenir le ramenait généralement à CE mauvais là. Seigneur, s’il avait pu sauver son ami ou mourir avec lui. Mais il était toujours là et bien qu’Aidan lui manque, il ne voulait pas mourir.

Il se battait farouchement pour chaque parcelle de vie. Une nouvelle journée fallait la peine d’être vécu, même si toute cette histoire était difficile. Liam avait choisit de faire cavalier seul, c’était plus simple. Il n’avait personne sur qui veiller, personne à qui faire attention, que lui-même. Il ne prenait soin que de lui aussi et c’était parfait comme ça. Il lui arrivait de penser à son ex-copine qui faisait partit de ce groupe qui acceptait tout le monde. Amy était une gentille fille, il l’avait fait beaucoup souffrir mais ce n’était pas ce qu’il voulait. Bref, maintenant toute la famille d’Amy et la belle-famille de Mackenzie le détestait. Tant pis, il n’avait pas besoin d’eux pour survivre. Il sortit des vestiaires et emprunta le couloir, longeant dos presque collé au mur, progressant le plus silencieusement possible.

Soudain, il s’arrêta. Ne venait-il pas d’entendre l’eau couler dans les vestiaires des opposants? Un humain aurait-il eu la même idée que lui? Il s’avança doucement, couteau à la main. Il était prêt en cas d’agression. Il s’avança lentement dans la pièce et vit un sac au sol. L’eau coulait toujours, il s’avança doucement jusqu’au sac et fouilla à l’intérieur. Hum … des barres protéiné, mais où pouvait-on bien trouver ce genre d’article? Il fouilla encore et trouva un carnet. Hum… intéressant. Il prit les barres et le carnet et les rangea dans son sac. Il se redressa doucement pour ne pas faire de bruit et recula vers la porte des vestiaires.

Jusqu'à peu, à l'instar de bon nombre de ses concitoyens, Jane n'avait jamais connu la saleté. Pas la saleté commune, pas la petite couche de crasse dont on se débarrasse d'un coup de gant. Celle qui s'accroche à votre peau, s'y incruste, la craquelle, la ronge. Celle qui devient rapidement une ennemie pour votre vie et pas seulement pour votre apparence ou votre odorat. Se laver était devenu aussi vital que s'alimenter. En effet, certaines pathologies moyen-âgeuses commençaient à se propager en ville et elles étaient au moins aussi redoutables que les rôdeurs. Toutefois, gâcher de l'eau à cet effet était un réel crève-coeur. De toutes les manières, dans la situation actuelle, chaque choix était cornélien. Chaque option délaissée au profit d'une autre laissait un goût amer dans la bouche des survivants. La vie était ainsi faite, elle trouvait désormais toujours le moyen de vous en faire baver.

La jeune femme avait tout de même décidé qu'il était temps de se préoccuper de son hygiène corporelle. Elle était couverte de sang ainsi que d'autres liquides corporels séchés et cela commençait à légèrement impacter son moral. Elle se dirigea vers le Toyota Center. Peu de gens avaient jusque là eu l'idée d'exploiter cet endroit et elle savait que les ballons d'eau des vestiaires n'étaient pas encore tous vides. Elle espérait bien pouvoir profiter d'un léger filet d'eau glacée. Ce n'était pas un hasard si les lieux étaient aussi peu utilisés, les rôdeurs pouvaient se cacher dans mille recoins et il était assez aisé de se retrouver coincé. Jane s'en foutait. Ses sentiments, peur y compris, étaient émoussés par la carapace qui lui permettait de survivre, aussi bien physiquement que psychologiquement.  Elle faisait ce qu'elle avait à faire, point barre.

Après moult précautions, la jeune femme réussit à atteindre l'un des vestiaires et à trouver une douche fonctionnelle. Elle déposa son sac sur le carrelage, en sortit un bout de savon enveloppé dans du papier puis entra dans la cabine. Elle se déshabilla, gardant toutefois ses sous-vêtements qui avaient bien besoin d'une petite lessive improvisée. Elle ne se sépara bien évidemment pas de ses meilleurs amis, plaçant son 9 mm sur un rebord, posant l'arme que Raff avait confectionné pour elle à terre et conservant autour de sa taille la ceinture à laquelle était accroché l'étui contenant son couteau de combat. Alors qu'elle passait le savon sous quelques gouttes d'eau afin de l'humidifier avant de se frictionner, elle se figea, croyant entendre un bruit de porte. Rien. Jane poursuivit donc sa toilette. La sensation de l'eau coulant sur son corps était exquise. Certes, la température était glaciale et le débit loin d'être satisfaisant, il y a quelques mois, subir une telle douche l'aurait fait maugréer, mais ce jour-là, elle eut l'impression qu'il s'agissait de la meilleure de toute sa vie.

Soudain, elle entendit des pas se diriger vers la cabine. Sans couper l'eau afin de ne pas attirer l'attention, elle s'immobilisa et tendit l'oreille. Elle distingua clairement un bruit de zip. L'intrus était trop discret pour être un rôdeur et il semblait plus intéressé par son sac que par sa chair, il s'agissait d'un pilleur à n'en pas douter. Jane tendit la main pour se saisir avec précaution de son semi-automatique. Elle tira le rideau de douche d'un coup sec et braqua l'arme devant elle. Un individu se trouvait sur le seuil de la porte, cherchant visiblement à se carapater au plus vite. La jeune femme détestait ces situations. Elle savait par expérience que c'était ainsi que commençaient presque toutes les histoires de meurtres entre humains désormais. En toute connaissance de cause, la Jane d'avant l'aurait probablement laissé filer, jugeant que cela n'en valait pas la peine mais les règles du jeu avaient changées. Désormais, on tuait pour des barres protéinées. Jane avait envie de vomir dès qu'elle y pensait mais elle n'avait pas le choix, perdre quelques centaines de calories c'était risquer la mort et après tout, la faim aussi peut donner la nausée. La jeune femme interpella l'homme d'une voix ferme, son 9 millimètres toujours braqué sur lui : « Hey, vous ! Je vous conseille de vous arrêter tout de suite, de mettre les mains bien en évidence et de vous retourner doucement ! » Jane jeta un bref regard au sol. Son sac était encore là mais rien ne laissait à penser que son contenu était encore intact. Même à moitié nue et dégoulinante d'eau sanguinolente, elle n'était pas prête à lâcher l'affaire.

Liam se figea sur place, il savait que même s’il s’agissait d’une femme et qu’elle avait une voix plutôt jeune, elle n’hésiterait pas à tirer. Il n’avait aucun doute qu’elle soit armée. Il leva lentement les mains vers le plafond et se retourna très doucement sur lui-même. Il eut un petit sourire en coin en reconnaissant la jeune femme. Il ne la connaissait pas en détails, mais il savait qui elle était. Elle était effectivement armée et il savait que ses frères s’étaient assuré qu’elle sache s’en servir. Il ne tenta donc rien de stupide comme courir.

-Miss Birmingham. Moi qui croyait que vous seriez avec vos frères sous bonne garde, bien nourrit et soigner. Je vois que je me suis trompée sur votre superbe esprit de famille.

Il regarda la jeune femme. Oh, il savait très bien qu’elle avait choisi de faire son propre chemin, ce n’était pas la première fois qu’il la croissait, ce n’était pas la première fois non plus qu’il lui dérobait des choses, mais elle le lui avait bien rendu. Elle aussi l’avait volé. Il n’aurait jamais cru cependant qu’elle resterait aussi loin de ses frères et sa sœur aussi longtemps.

-Oh, ne me dit pas que tes frères sont trop étouffants. C’est vrai que le grand se croit le protecteur de tous.

Il haussa les épaules, il n’avait toujours pas digéré que Raffael l’ait mis à la porte du mariage comme un chien sans maître. D’accord, il avait déconné ce soir-là, mais ça ne le regardait en rien. Monsieur bicep en pinçait pour sa copine, Amy, à l’époque. Il avait joué les gros bras pour l’impressionner voilà tout. Ça n’avait pas très bien fonctionné puisqu’Amy lui était revenue quelques mois plus tard. Bon, il avait été assez stupide pour la perdre à nouveau, mais en même temps, il avait rencontré une femme pour qui il ressentait une chose qu’il n’avait jamais ressentie avec personne, pas même avec Amy maintenant qu’il y pensait.

-Alors qu’est-ce que tu attends pour retourner dans leurs jupes?

S’il aimait provoquer? Bien entendu. Il adorait les joutes verbales. La dernière fois qu'il avait vu la jeune femme, elle était afflué de cette ridicule petite robe jaune que Mackenzie avait choisi pour ses demoiselles d'honneurs. Elle avait beaucoup moins fière allure en ce moment.

Jane ne bougeait pas d’un pouce, fixant l’homme aux cheveux blonds qui se retournait progressivement. Elle était soulagée qu’il obtempère, elle n’était vraiment pas d’humeur à employer la manière forte. Elle ne pouvait pas se permettre d’avoir de longues réflexions métaphysiques sur la morale, l’humanité et la société tous les jours. La surprise se lut sur son visage lorsqu’elle reconnut les traits de l’individu. Liam Fitzpatrick, en chair et en os. Liam était davantage le personnage d’une histoire presque fictive qu’un être réel à ses yeux. Ils ne s’étaient rencontrés furtivement qu’à quelques reprises depuis le mariage de Kal et Mac, vivant tous deux en solitaire sur le même terrain de chasse. Toutefois, l’histoire de sa relation avec Amy avait fait des émules dans la famille à l'époque et par solidarité féminine, Jane ne pouvait qu’avoir une dent contre lui.

Le moins que l’on puisse dire était que Liam n’avait jamais rien entreprit qui aurait pu faire fléchir son opinion à son égard. Entre sa propension à voler les affaires de la jeune femme et l’attitude provocatrice qu’il aimait employer, il était loin d’être sur le chemin approprié s’il souhaitait s’attirer ses bonnes grâces. Fort y avait-il à penser que là n’était pas son but. Liam franchit un nouveau palier en évoquant ses frères. Jane sentit aussitôt une rage intense monter en elle. D’une part, elle ne supportait pas les attaques dirigées vers sa famille. L’espace d’une seconde, elle se visualisa en train d’appuyer sur la gâchette après avoir dévié de quelques centimètres son axe de tir. La balle lui aurait juste arraché un bout de peau et peut-être quelques tissus sous-cutanés avant d’aller s’enfoncer dans le mur. Un mal de chien pour une réplique totalement inappropriée, ça se valait. D’autre part, Jane était encore complètement chamboulée suite à sa dernière rencontre avec Kal et Raff. Elle n’avait pas besoin qu’un pilleur adultère vienne remuer le couteau dans la plaie. La jeune femme se contenta de sourciller, exploser de colère aurait été un signe de faiblesse. Elle esquissa un léger sourire. « Il me semble que courir sous les jupes des gens - surtout des filles - c’est plutôt TA spécialité, Liam. »

Jane avait toujours eu beaucoup de compassion pour Amy. Elle était si jeune et avait pourtant tant vécu, elle n’avait pas besoin que des connards viennent lui briser le coeur. Elle méritait d’être heureuse et comblée. Avec son frère par exemple. La jeune femme se souvenait du regard de Raff juste après qu’il ait surpris Liam et sa conquête en plein batifolage dans la salle de bain, ce fameux jour de mariage. Presque inconsciemment, elle avait aussitôt compris, il n’y avait qu’un seul type de personnes qui pouvait faire naître une telle passion dans un regard, celles qu’on aime éperdument, sans restriction. Jane releva le menton et étouffa un petit rire. « Et estime toi heureux, si Raff avait été aussi protecteur que tu sembles le penser, tu ne serais plus là pour en parler… ou alors il te manquerait quelques attributs. »

La jeune femme fit disparaître son sourire en coin, ils n'avaient pas le temps pour ces enfantillages. Elle fronça légèrement les sourcils et fit un petit mouvement répétitif avec son arme, désignant à plusieurs reprises le sac de l’homme avant de revenir à sa position initiale. « Allez, ouvre ton sac, vide-le et rends-moi mes affaires avant que je te montre ce que c’est que d’avoir l’esprit de famille. »

La jeune femme lui rendit une vanne, disant clairement qu’il était un coureur de jupons. Bon, après tout, il avait ouvert les hostilités. Il eut un sourire narquois, il n’allait pas se laisser atteindre par cette petite minette de Birmingham. Non, les Birmingham ne l’affecteraient jamais. C’était la résolution qu’il avait pris. Déjà que Hunter lui avait foutu une dérouillée devant celle qu’il avait choisi à la place d’Amy … il ne laisserait pas atteindre par une autre personne tout court.

-Solidarité féminine, je comprends ça. Mais reste que tu n’es qu’une petite fille perdue sans tes grands frères pour te venir en aide.

Il sourcilla lorsqu’elle parla de Raffael. Lui manquer des attributs? Ce grand gaillard ne lui avait même pas effleuré la gueule, il avait eu peur de lui taper dessus. C’était ce que Liam se disait, après tout, pourquoi ne pas l’avoir fait? Lui, c’est ce qu’il aurait fait. Raff n’était qu’un lâche, voilà tout. Tout pour dénigrer celui qui l’avait fichu à la porte comme un chien.

-Ton frère ne me fait pas peur, en combat un contre un, je le bats aussi facile qu’un chat qui chasse une souris. Ce serait avec plaisir d’ailleurs, mais je n’ai de temps à perdre avec lui.

Déjà que négocier avec eux pour des soins et des armes était plus que difficile et lui coûtait la peau des fesses. Oh oui, il savait que c’était à cause de cette histoire avec Amy qu’il payait plus cher. Même dans ce monde, on lui faisait payer ses erreurs. La jeune femme voulait qu’il ouvre son sac et lui rende ses effets. Il eut un petit sourire en coin.

-C’est à moi maintenant, alors tu vas devoir marchandé si tu veux récupérer ce qui t’appartient. Ce que l’on trouve, on le garde. Tu as été assez imprudente pour laisser ton sac là, ce n’est pas ma faute. Apprend de tes erreurs et paie.

Un sourire carnassier s’afficha sur ses lèvres. Si elle croyait qu’il allait se laisser impressionner par son arme. Elle ne tirerait pas, il le savait. Elle ne gaspillerait pas une de ses précieuses minutions pour lui. Il en était sur. Peut-être sous-estimait-il la jeune femme, mais il avait cette certitude qu’elle ne le ferait pas.

S’il y avait bien quelque chose que Jane détestait, c’était qu’un quasi inconnu vienne remettre en doute ses capacités, d’autant plus si c’était uniquement sur la base de son sexe ou de son apparence. La petite fille perdue en faisait au moins autant que lui chaque jour pour survivre, si ce n’est davantage. L’aplomb de Liam la sidérait. Comment une fille aussi intelligente qu’Amy avait-elle pu tomber sous le charme d’un tel goujat ? L’amour avait ses raisons, certes, mais il y avait des limites. Jane releva le menton. « Qui t’as dit que j’avais besoin d’aide ? Je me débrouille très bien, merci. Au moins je ne suis pas devenue pathétique au point de devoir attendre qu’une femme soit à moitié nue sous la douche pour lui voler ses affaires. »

Jane pillait, c’était un fait, mais seulement lorsque personne n’était sur place. Il était ainsi plus probable que le bien en question ait été abandonné. De plus, elle n’emportait que le strict minimum. Si elle trouvait un paquet de cinq gâteaux, elle n’en prenait que deux. Ainsi allait son petit compromis entre survie et bonne conscience. Elle passait probablement à côté de nombreuses calories mais au moins elle ne vomissait pas la nourriture ingurgitée par dégoût envers sa propre personne. Liam semblait à des années lumières de ces considérations.

Son interlocuteur se mit à fanfaronner, clamant sa supériorité physique sur Raffael. Jane étouffa un rire. Son frère l’aurait écrasé en moins de deux, il n’y avait aucun doute. Ce type était vraiment arrogant, elle se demandait quelle blessure secrète il pouvait bien cacher. On ne devient pas aussi infect par hasard. Jane esquissa un petit sourire en coin. « Allons, en ces heures troubles on a tous besoin de se rassurer comme on peut, ce serait cruel de ma part de briser tes illusions. »

L’homme qui semblait si obéissant quelques secondes auparavant n’était vraisemblablement plus d’humeur à coopérer. Il refusait de lui rendre ses affaires, lui proposant de négocier sur un ton paternaliste au possible. Probablement son ego démesuré n’acceptait-il pas de recevoir des ordres d’une « petite fille perdue ». Jane s’approcha de son sac et en tâta le contenu avec la plante du pied. Elle ne put réprimer un soupir de soulagement lorsqu’elle sentit les contours de sa petite boîte en bois à travers l’épais tissu. Cette boîte et son contenu étaient les seuls objets matériels qui lui importaient réellement. Le reste n’était que dérisoire, sans aucune valeur sentimentale particulière. Elle n’était néanmoins pas prête à y renoncer. La jeune femme déclama d’une voix ferme : « Depuis quand c’est celui sur qui l’arme est pointé qui dicte les règles du jeu ? » Elle s’approcha peu à peu de Liam, jusqu’à ce que le canon de son arme soit à moins d’un mètre de son crâne. « Arrête de jouer au con Liam, tu sais bien qu’à chaque fois ça finit mal pour toi. »

-Pathétique hein? La faim justifie les moyens, tu ne connais pas cette expression fillette?

Il prenait tout ce qu’il pouvait. Il ne faisait pas vraiment de réserve, mais les barres qu’il lui avait volées pourraient lui durer quelques jours. Il ne voulait certainement pas les lui rendre. Il n’avait aucune difficulté à voler pour se nourrir et survivre, c’était la loi de la jungle, la loi du plus fort. En ce moment, il était le plus fort, autant mentalement que physiquement. Elle le narguait disant qu’en ces moments plutôt difficiles on se rassurait comme on pouvait. Il eut un hoquet de dégoût. Lui se rassurer? Elle disait n’importe quoi. Il était plus fort que Raff et plus rapide aussi. Il le savait. Il n’avait pas besoin de se rassurer.

-Si ça peut te faire plaisir de penser que ton frère est plus fort. Il est tellement lourd, il ne se déplace pas aussi vite que moi et c’est ce qui le perd.

Elle approcha de lui, son arme toujours braquer sur lui. Elle était faible, fatiguée. Elle ne se nourrissait pas assez, c’était évident. Bien sûr, lui aussi était en rationnement et il pouvait passer un ou deux jours complet sans manger un repas complet. L’arme commençait sans aucun doute à être lourde dans la main de la jeune femme. Il fallait de la force pour pouvoir maintenir une arme ainsi à bout de bras. Son jeu : gagner du temps pour qu’elle fatigue au point de devoir baisser l’arme. Il pourrait fuir sans problème ensuite. Elle ne pourrait plus viser de façon correcte.

-Tu sais quoi Jane? Tu n’oseras jamais tirer sur moi. Ça te rendrait malade de prendre ma vie même si tu me trouves pathétique comme tu dis.

C’était une femme, une faible femme qui avait choisi de faire chemin seul alors qu’elle pouvait vivre entourée de sa famille. Lui n’avait plus personne, c’était compréhensible qu’il soit seul, mais elle? Pourquoi avait-elle fait ce choix? Il usa de faiblesse en lui disant :

-Tu ne sais même pas la chance que tu as d’avoir encore une famille. Qu’est-ce que tu fous là Jane? Pourquoi tu n’es pas avec eux?

Non, il avait beau retourné la question dans tous les sens, il n’y arrivait pas. Et si lui n’y arrivait pas alors qu’il se fichait totalement de savoir la jeune femme en sécurité, alors il n’imaginait pas le mal de tête des frères Birmingham et de la jumelle. Non pas que ça lui importait, mais tout de même, on ne pouvait faire que ça réfléchir à des choses sans but maintenant.

« La fin justifie les moyens », quelle mentalité archaïque. Cette manière de penser semblait toutefois contaminer un nombre non négligeable d’individus tandis que d’autres se raccrochaient à leurs valeurs, refusant de voir s’envoler ce qui fit autrefois la noblesse de l’espèce humaine. Restait à voir laquelle de ces deux populations survivrait à l’autre.

Jane crut rêver lorsqu’elle entendit le grand blond l’appeler « fillette ». C’était de la pure provocation. Ce Liam était réellement un curieux personnage. Malgré le 9 millimètres braqué sur son joli minois, il continuait à fanfaronner. Peut-être aimait-il flirter avec l’ange de la mort lui aussi. Pendant sa carrière d’hôtesse de l’air, Jane avait appris à garder son calme et à réagir avec diplomatie face à tous les types de connards et d’imbéciles que la terre puisse porter. Néanmoins, sa nouvelle vie la rendait de plus en plus impulsive et elle devait fournir de sérieux efforts pour résister à l’envie de lui tirer une balle dans le genou.

Le grand blond continuait à prétendre qu’il était plus fort que Raff, à grand renfort d’arguments supposés la convaincre, ou le convaincre lui-même. Jane hocha lentement la tête en propulsant ses lèvres en avant avec dédain, l’air de dire qu’il pouvait toujours causer. Liam poursuivit en avançant qu’elle n’oserait jamais appuyer sur la gâchette. Jane étouffa un ricanement. « Tu ne sais rien de moi, tu n’as aucune idée de ce dont je suis capable. » Le regard de la jeune femme s’était soudain noirci. Elle même n’en avait aucune idée. Elle avait commis des actes dont elle ne se serait jamais crue capable, même dans ses pires cauchemars. Elle aimerait pouvoir affirmer à cent pour cent qu’il lui serait absolument impossible de le tuer mais ce serait mentir. La jeune femme pointa son arme vers les jambes du blond. « Et je ne suis pas obligée de te tuer pour t’empêcher de te barrer avec ce qui m’appartient, quoi que l’idée commence sérieusement à me séduire. »

Liam eut la brillante idée d’aborder le sujet qu’il ne fallait aborder sous aucun prétexte. Jane sentait la rage monter en elle et son index se mit à trembler sur la gâchette si bien qu’un « accident » aurait pu très vite arriver. De quoi cet abruti se mêlait-il ? La jeune femme avait du mal à croire qu’il puisse s’agir de réelle sollicitude. Il avait senti l’odeur du sang et il venait rôder au dessus d’elle comme un charognard. Dans le meilleur des cas, il faisait preuve d’une curiosité mal placée et dans le pire, il tentait de la déstabiliser pour lui échapper. Quoi qu'il y avait encore plus vicieux, peut-être se comportait-il ainsi par simple méchanceté gratuite. La jeune femme tenta de se contrôler en respirant lentement et leva le menton vers lui. « Mais qu’est-ce que ça peut te foutre Liam ? Mêle-toi de tes affaires, et rends-moi les miennes. » Jane s’approcha encore davantage. Elle n’avait absolument pas envie de céder et il semblait bien que lui non plus ne soit pas prêt à lâcher du lest. Elle n'avait pas la moindre idée de la manière dont cette histoire allait se dénouer.

Il ne savait rien d’elle? Peut-être en savait-il plus que Jane ne se l’imaginait. Amy lui avait raconté pas mal d’histoires au sujet de la famille Birmingham, alors non il n’était pas aussi ignorant que pouvait le croire Jane. De plus, il avait quand même été amené à passer du temps avec la famille quand il était toujours avec Amy. Il avait pu voir de ses propres yeux comment ils fonctionnaient, quelle était la dynamique familiale. Ils étaient toujours là les uns pour les autres. Jane avait une chance de dingue et elle était trop stupide pour s’en réjouir. Non, à la place, elle préférait faire cavalier seul et inquiéter sa famille.

- Non c’est vrai, tu n’as pas à me tuer pour m’éviter de partir avec tes affaires. Mais si tu es aussi maligne que le reste de la famille, tu sais que tu ne le feras pas. Tu attirerais des rôdeurs et ce n’est pas dans ton intérêt. On le sait tous les deux.

C’est vrai, qu’en avait-il à faire qu’elle soit ou non avec sa famille? Si Liam se montrait honnête avec lui-même, il dirait que c’était parce qu’il en avait parfois assez d’être toujours seul, de se battre chaque jour pour survivre. Peut-être aimerait-il ne plus être seul, pouvoir se fier sur quelqu’un d’autre, avoir quelqu’un avec qui traverser le temps? Si ce n’était pas d’Amy et de la haine qu’il inspirait à ses proches, Liam aurait peut-être tenté de joindre leur groupe depuis longtemps. Mais parce qu’il s’était comporté comme un véritable salaud, il savait qu’on ne risquait pas de lui ouvrir les portes de l’hôpital avec plaisir. Il était hors de question pour Lee de se joindre au groupe de l’hôtel. Il n’adhérait pas à leurs convictions aussi avait-il choisi de tenter sa chance tout seul. En réalité, il n’avait jamais véritablement eu le choix.

- Tu as la chance de ne pas avoir à être toute seule et tu es trop bête pour en profiter. On n’a pas tous cette chance-là. Certains iraient jusqu’à tuer pour avoir des gens sur qui compter. Qu’est-ce que ça te fait de courir vers eux quand tu as besoin de leur aide? Et je suis prêt à parier que tu détales comme un lapin dès que tu as eu ce que tu voulais. Après, on me traitera de profiteur et d’hypocrite!

Une colère sourde grondait en lui, il n’avait plus personne depuis la mort d’Aidan, elle, elle avait une famille complète et se faisait un plaisir de les planter là. Elle préférait voyager seule et oui, il le pensait. Elle obtenait ce qu’elle voulait et les plantaient là. Il avait beau ne pas apprécier Raffael, n’avoir que de l’indifférence pour Kaleb le parfait, ils ne méritaient pas qu’elle fasse ça. Ils ne méritaient de s’inquiéter pour elle, alors qu’elle se fichait bien de ce qu’ils ressentaient.

-Tu peux bien me traiter de pathétique, regarde qui parle!

Liam disait juste, sa raison lui hurlait de ne pas appuyer sur la détente, tentant de son mieux pour couvrir la voix de la colère qui lui faisait trembler les doigts. Il venait remuer des sentiments qu’il valait mieux laisser dormir, il ne savait pas avec quoi il jouait. Jane avait bien tenté de lui faire comprendre mais elle parlait vraisemblablement dans l’oreille d’un sourd. La menace directe ne semblait pas être le meilleur chemin vers un dénouement optimal. La jeune femme était persuadée que tant qu’elle s’embourbait dans ce rapport de force, il existait un risque croissant pour qu’elle soit victime d’un coup de folie et qu’elle tire sans réfléchir. Elle avait déjà imaginé à plusieurs reprises la scène dans sa tête en l’espace de quelques minutes. Si jamais elle venait à se réaliser, quelqu'en soit la raison, Jane ne pourrait plus jamais regarder Amy dans les yeux. Après tout, elle avait aimé cet homme.

La jeune femme préféra écouter Liam poursuivre, espérant trouver un autre angle d’attaque. Il semblait étrangement atteint par sa situation actuelle, davantage que quelqu’un qui chercherait simplement à la déstabiliser. Jane en était interloquée. Elle était tellement dans l’analyse qu’elle prit ses reproches avec une certaine distance. Elle en était néanmoins touchée. Bien évidemment que ces réflexions avaient traversé ses pensées des centaines de fois. Bien évidemment qu’elle était consciente de la chance qu’elle avait d’avoir un filet de sécurité dans ce monde sans foi ni loi. Bien évidemment qu’aller quémander de l’aide auprès de sa famille en ne leur apportant en échange que peine et tracas lui paraissait totalement injuste. Elle payait le prix amer de la culpabilité à chaque visite. Elle savait toutefois que se laisser mourir par ego était la pire chose qu’elle pourrait faire subir à sa famille, c’était cette raison qui la poussait à franchir les portes de l’hôpital lorsqu’elle était réellement au bord du gouffre, bien avant les bénéfices matériels qu’elle pourrait en retirer.

La conduite de Jane ne lui apportait aucune fierté. Le dégoût qu’elle éprouvait envers sa propre personne n’avait de cesse de croitre, jour après jour, rencontre après rencontre, fuite après fuite, décision après décision. La jeune femme balança la tête. « Je n’ai jamais dit que je valais mieux que toi, je n’ai jamais dit que je valais mieux que quiconque. » Elle fronça les sourcils. Le temps de quelques mots, elle semblait être sortie du ring pour jouer au jeu de la vérité. Elle esquissa un léger sourire désabusé. « On est tous des profiteurs, des hypocrites et des êtres pathétiques. Bienvenue dans le nouveau monde. » Jane marqua une pause puis poursuivit d’une voix plus douce, sans néanmoins baisser son arme. « Tu n’as pas répondu à ma question. Pourquoi mes décisions, mes choix, ces histoires qui ne regardent que mes proches et moi te touchent de la sorte ? Ce n’est pas comme si tu étais concerné… » Jane était sincèrement intéressée par la réponse. Elle espérait par ailleurs qu'amener Liam sur le terrain des sentiments, des confidences et des rapports humains l'adoucirait, voire permettrait de dénouer la confrontation.

-Monde de fou oui …

C’était la meilleure réponse qu’il pouvait faire au commentaire de la jeune femme. Elle était là, avec cette arme, elle le pointait. Il réalisait soudainement qu’il était las. Las de la situation, de toute cette vie de merde. Il se sentait seul ne le comprenait-elle pas? Il fallait bien avoir une famille qui vous attend pour ne pas comprendre la solitude et la rechercher à ce point. Il l’a trouvait stupide sur ce point. Il secoua la tête, un petit sourire narquois sur les lèvres.

-En quoi ça me touche Jane? Sérieusement?

Elle devait le faire exprès, il ne pouvait être autrement. Où alors elle gagnait du temps. Il ne le savait pas, mais il allait quand même faire son gentleman et lui répondre sérieusement pour une fois. Il la regarda dans les yeux, il espérait qu’elle comprenne un peu sa réalité. Et si elle croyait qu’il craigne la mort… Il avait de quoi mettre fin à ses jours même si elle le laissait agonisant sur le sol. Il parla d’un ton calme et posé. Détacher même. Comme s’il s’en fichait alors que c’était tout le contre. Seul son premier mot eu l’air expressif.

-Merde, ouvre les yeux un peu et regarde autour de toi. Tu crois que je ne n’aimerais pas avoir mon meilleur ami, celui que je considérais comme mon frère à mes côtés plutôt que de voyager seul?

Aidan avait été plus que son ami, il était son confident, sa conscience, son bras droit en affaire, son coach de vie … il était son frère, même s’ils n’avaient pas le même sang. Il avait dû lui fracasser la tête, il ne l’oublierait jamais.

-Je l’ai perdu, il ne reviendra jamais. Toi, tu as la chance d’avoir une famille et tu les boudes pourquoi? Parce que tu as tué quelqu’un que tu aimais et tu ne t’en remets pas? Connaissant votre petite nature sensible je suis sur que c’est ça. Mais dis-toi bien que moi aussi j’ai tué mon ami, je lui ai fracassé le crâne pour qu’il ne devienne pas l’un d’entre eux, j’ai fait ce qu’il aurait fait pour moi Jane.

Il n’avait pas hésité, il savait très bien qu’Aidan aurait fait la même chose pour lui.

-Et si j’avais un autre ami dans la vie ou bien de la famille, quelqu’un, je serais à ses côtés. Mais je n’ai personne. Tu as de la chance Jane et pourtant, tu voyage seule gaspillant le temps que tu pourrais passer auprès de ceux que tu aimes. C’est stupide avoue.

Il prit un ton ironique.

-Tu ne peux pas croire que tu as eu la meilleure idée du siècle. Impossible. Je veux bien reconnaître que tu es une fille intelligente, alors c’est impossible que tu crois sincèrement que c’est la meilleur idée que tu es eue dans la vie.

Jane écoutait calmement son interlocuteur, les lèvres légèrement pincées. Elle resta impassible lorsqu’il émit l’hypothèse qu’elle ait pu tuer quelqu’un qu’elle aimait mais elle fut néanmoins traversée par une petite bouffée d’angoisse. Il était impossible qu’il soit au courant, seule Ally l’était. Le fait qu’il évoque sa propre histoire dissipa définitivement ses doutes. Il avait probablement fait une projection sur elle. Il lui parlait de petite nature sensible mais il semblait au moins aussi atteint qu’elle. Jane pencha la tête. « Je vois … ! Il n’a jamais été question de moi, c’est de toi qu’on parle depuis le début. »

La jeune femme prit une lente inspiration. Elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine compassion à son égard, elle mieux que quiconque savait à quel point perdre quelqu’un que l’on aime de cette manière était destructeur. Jane n’appréciait toutefois pas l’intolérance dont il faisait preuve envers sa réaction. Il devrait comprendre, lui qui semblait vivre une épreuve semblable. Comprendre à quel point les actes que ce nouveau monde les amenait à commettre pouvaient meurtrir de l’intérieur, laisser des marques indélébiles et changer les règles du jeu. Il devrait comprendre que son choix pouvait ne pas en être réellement un et qu’elle subissait, tout comme lui, le contrecoup de ce que la vie lui avait fait subir. Il devrait comprendre que peu de réactions dans ce genre de situations sont guidées par la raison. Lui non plus n’avait pas été très rationnel. Il regrettait sa solitude et enviait l’entourage de la jeune femme mais il ne semblait rien avoir tenté pour intégrer une communauté et se reconstituer un foyer. Jane parla calmement, d’une voix presque douce. « Je suis désolée pour ton ami Liam mais tu sais, être seul est un choix dans ce nouveau monde. Il reste des millions d’humains dans le pays, des milliers de groupes à rejoindre et toi, qu’est-ce que tu fais ? Tu traînes dans la seule ville où personne ne veut de toi. »

La jeune femme avait peut-être été crue dans ses propos mais c’était la vérité. Elle pouvait comprendre qu’il soit retenu par une quelconque force dans cette ville l’obligeant à errer dans le théâtre de son passé. Il devait pourtant se rendre à l’évidence : il ne serait jamais accueilli à bras ouverts à l’hôpital. Quant au groupe du métro, personne n’y était le bienvenu. Il restait bien les solitaires mais, six mois après le début des événements et en plein Houston, ceux qui suivaient ce mode de vie par défaut étaient rares. Quoi qu’il en soit, ce n’était sûrement pas en se comportant comme il l’avait fait avec elle que Liam parviendrait à se mettre qui que ce soit dans sa poche. Il devait bien le savoir. Sa façon d’être semblait être un rempart entre lui et le monde. Jane leva un sourcil. « Soit dit en passant, voler les affaires des gens sous leurs yeux et se comporter avec arrogance et condescendance alors que tu prétends vouloir avoir quelqu’un à tes côtés n’est peut être pas non plus la meilleure idée que tu aies eue dans ta vie. »

Jane espérait réellement qu’il arrête de juger son mode de vie avant qu’elle ne perde son sang froid. Elle tolérait mal ce comportement de la part des personnes les plus proches d’elle, alors venant d’un quasi inconnu… C’était inadmissible et incompréhensible à la fois. A moins que, comme elle le soupçonnait, le coeur du problème, la racine de sa colère, le coeur de sa révolte ne vienne pas d’elle mais de lui et qu’elle ne soit qu’un simple miroir lui renvoyant sa propre noirceur en plein visage. La jeune femme poursuivit, d’un ton ferme. « Tu n’es pas en colère contre moi, tu es en colère contre toi-même. Pour ma part, j’assume mon choix, choix dont tu ne connais absolument pas les tenants et les aboutissants et que tu n’es pas en droit de commenter. A toi d’assumer le tien.  »