Et un jour de plus ... {Mac}

Elle croque dans une pomme, Raffael vient de la lui donner. Kal, Hunt et lui viennent de rentrer d’une petite virée et les pommes sont l’une des trouvailles qu’ils ont fait; un verger. Elle s’avance dans le couloir, elle arrivait de l’atelier de l’homme qui lui avait offert la pomme. Comme s’il avait senti qu’elle serait là, il avait pris cette pomme pour elle. Elle savait que c’était vrai, car il en avait deux dans la main, une pour lui et l’autre pour elle. Elle sourit à cette pensée, peut-être prenait-elle trop l’habitude d’envahir son espace. Elle devenait prévisible. Elle s’avance jusqu’à une autre pièce. Celle-là aussi elle l’aime, c’est une salle où les gens peuvent venir s’entraîner, c’est là que Mac aime trainer et Ayana le sait. Elle entre dans la pièce et découvre la tête blonde qu’elle cherche.

Mac montre à une femme comment faire tomber un homme plus grand qu’elle sans trop d’effort. Ayana connaît ses trucs depuis longtemps. Elle regarde Mac donner ses conseils, elle est précise dans ses explications. Comme avec Raffael lorsqu’il travaille dans son atelier, Ayana aime regarder la jeune femme donner ses cours d’auto-défense. Ce sont des moments paisibles en plus d’être instructif. Elle a encore à la main le livre qu’elle tente de lire. C’est un conte pour enfant, rien de bien extraordinaire. Mais Nana à de la difficulté avec certains mots. Aujourd’hui, sa concentration semble être partie en vacances et sa patience aussi. Alors elle a décidé de venir se mêler au monde des vivants plutôt que des mots.

Elle s’installe sur une table, ses pieds se balancent dans le vide. Elle observe tous les gestes des deux femmes, celle qui est en apprentissage est maladroite. Ayana trouve dommage que certaines femmes n’aient pas encore appris à se défendre. Déjà avant, les rues n’étaient pas sures, alors maintenant? Elles le sont encore moins car il y a deux sortes de rôdeurs, les morts et les vivants. La jeune femme pousse un soupir discret à cette pensée.

S’il y avait bien une chose que Mackenzie avait prise très à cœur depuis qu’ils avaient investi l’hôpital, c’était bien d’apprendre aux habitants des lieux à se défendre. Certes, ils ne sortaient pas beaucoup, mais c’était devenu nécessaire, car on ne savait jamais ce qui pouvait se passer. Des gens mal intentionnés pouvaient parfaitement tenter d’entrer dans l’hôpital et agresser quelqu’un du groupe. Alors le boulot de Mac, c’était de montrer à tout le monde comment se défendre et comment se débarrasser d’un rôdeur. Si au début elle avait commencé par donner les bases en groupe, Mac avait fini par réaliser que ça serait plus facile de leur enseigner individuellement. Les gens n’avaient pas toutes les mêmes difficultés et ça lui permettait de leur accorder plus de temps.

Bref, entre ces «cours», les raids, les zombies, taquiner son frère parce qu’il était enfin avec Willow et passer du temps avec Ayana alias Coccinelle, Mackenzie n’avait plus beaucoup de temps pour elle. Mais à vrai dire, elle s’en fichait bien. Avoir du temps pour elle signifiait avoir le temps de s’inquiéter pour son entourage et ça, c’était mortel dans son cas. Déjà que les nuits où elle n’était pas de garde étaient difficiles parce qu’elle avait du mal à fermer l’œil, ce n’était vraiment pas une bonne idée d’en ajouter une couche supplémentaire. Heureusement, les nuits où elle n’était pas dans sa chambre, elle savait Ayana avec Kaleb ou un des membres de la famille. Parce que non, elle ne laisserait pas leur petite ado – celle dont Kal et elle avaient pris la charge – seule la nuit. C’était absolument hors de question. Si elle la laissait vagabonder dans l’hôpital et sur le terrain clôturer en pleine journée sans l’avoir constamment à l’œil – oui, la mère ourse en elle se sentait prête à tuer si on touchait à sa petite – c’était uniquement parce qu’elle la savait à l’abri et parce que sa famille veillait aussi sur elle. Bref, Mac n’avait pas à s’en faire pour elle.

Plus facile à dire qu’à faire, oui!

Elle était en train de remontrer pour la cinquième fois au moins à une de leurs nouvelles arrivantes comment propulser un homme plus grand et plus fort au sol. A son grand regret, la seule chose que cette femme était en mesure de comprendre – elle était un peu bête sur les bords et c’était à se demander comment elle avait fait pour survivre jusque là – c’était comment donner un bon coup de pied à un homme. Là où ça faisait mal. Ce n’était pas glorieux, mais c’était quand même mieux que rien. Au bout de trente minutes, ça ne servait à rien. L’idiote ne comprenait toujours pas et Mackenzie commençait à se lasser de gaspiller sa salive. Alors elle suggéra qu’elles s’arrêtent là et reprennent le lendemain. Avec de la chance, cette femme, Linda, comprendrait plus vite d’ici là.

Pendant sa leçon, Mac avait vu Coccinelle faire son entrée dans la salle avec un livre entre les mains. Ayana essayait d’apprendre à lire et quand elle ne faisait pas ça, elle s’efforçait de se rendre utile auprès de tout le monde. Vraiment, c’était une chouette gamine. Après avoir salué son élève, Mac alla rejoindre l’adolescente et pris place à ses côtés.

- Et puis, comment tu t’en sors?

Mackenzie avait vraiment à cœur d’aider Ayana à apprendre à lire. Ça ne devait pas être facile à son âge et elle la trouvait vachement courageuse de s’être lancée là-dedans alors que le moment s’y prêtait difficilement. N’empêche, là encore tout le monde s’efforçait de l’aider sans jamais lui faire sentir qu’elle était stupide. Car elle ne l’était pas. Ça, c’était une chose que Mac avait rapidement appris au sujet de sa petite protégée.

Elle observe Mac, ce qu’elle voit lui fait naître un léger sourire. La jeune femme perd patience elle aussi, comme elle plus tôt avec sa lecture, Mac montre des signes de fatigue. L’étudiante ne semble pas comprendre l’exercice. Puis Ayana comprends, oui, c’est LA jeune femme, cette jeune femme avec qui Mac à de la difficulté, car elle n’apprend pas. Soit elle ne veut pas, ou alors elle ne comprend vraiment pas, mais cette jeune femme n’y arrive pas et Mackenzie à de la difficulté à lui enseigner. Pauvre Mac. Elle met fin à l’enseignement et la rejoint s’installant à ses côtés. Ayana aime bien discuter avec Mac. La jeune femme lui demande en montrant son livre comment ça se passe.

-Aujourd’hui, pas très bien.

Elle soupire, ce n’est pas son livre le plus difficile pourtant, c’est un livre pour enfant. Elle trouve frustrant de ne pas y arriver. Elle est quand même allé à l’école jusqu’à ses huit ans, elle devrait être capable de lire un livre pour enfant bon sens! Mais non. Elle ne pouvait se sentir autrement qu’idiote dans ces moments-là. Elle secoue la tête.

-Je ne peux pas croire que ce soit si difficile. Je pratique mes lettres comme un enfant de quatre ans. C’est frustrant. L’autre jour, j’ai dû demander à Raffael ce que voulait dire le mot « Altruiste » lorsqu’il la utilisé dans une phrase. Il me l’a expliqué et j’ai compris, mais c’est quand même frustrant de devoir prouver à quel point je suis ignorante.

Elle savait que Raffael, Kaleb, Amy, Hunter et Mac ne la jugent pas. Mais elle trouve difficile qu’ils aient autant d’éducation alors qu’elle non. Elle a d’autre talent, pour ce qu’ils lui servent ici. Kaleb est médecin, Mackenzie tireuse d’élite de formation et aurait dû être policière, Raffael démineur, Amy travailleuse sociale et Hunter mécanicien. Ils avaient tous fait des études à différent niveau. Elle se sent stupide de ne même pas avoir atteint le lycée au niveau scolaire.

Ayana trouvait frustrant de ne pas aller aussi vite dans son apprentissage qu’elle le voulait. C’était compréhensible, mais Mackenzie préféra ne pas lui dire que justement, ça prenait du temps avant d’arriver à faire quelque chose correctement. Lorsqu’elle mentionna qu’elle avait dû demander la signification du mot «altruiste» à Raffael, Mackenzie compris que ça la dérangeait plus qu’elle ne l’admettait. Mais c’était normal aussi à son âge de ne pas avoir le vocabulaire d’un adulte. Elle était peut-être très mûre pour son âge, mais elle n’avait quand même que 14 ans! Et à peine 8 quand elle avait quitté sa dernière famille d’accueil et l’école en même temps. Elle avait quand même fait considérablement de progrès en un mois et des poussières! Voilà ce qu’il lui fallait retenir. Mac savait que sa coccinelle finirait par atteindre son but, il lui fallait juste faire preuve d’un peu plus de patience.

- Tu dois être patiente, Coccinelle. Mais tu sais que si tu as besoin d’aide, tu peux toujours me le demander. En fait, tu peux demander à toute la famille, nous sommes toujours là pour toi, quel que soit le problème. Mais le plus important, c’est que tu saches que nous sommes tous très fiers de toi.

Ce n’était pas évident d’apprendre à lire, mais la difficulté semblait s’accroitre avec l’âge. Parfois, la honte s’ajoutait en couche généreuse aux difficultés et ça empirait la situation. Néanmoins, Mackenzie était très fière de sa petite protégée. Elle aurait pu décider qu’apprendre à lire était une perte de temps dans ce monde qui était maintenant le leur. Mais elle ne renonçait pas.

- C’est aussi peut-être le livre qui ne t’intéresse pas. As-tu essayé avec un autre qui t’intéressait vraiment pour voir?

Lire un roman de 300 pages pouvait peut-être paraître stupide, car elle n’avait pas le niveau requis, mais si Ayana trouvait un livre qui l’intéressait, un livre dont l’histoire la captiverait, peut-être ses difficultés se surmonteraient plus aisément. D’un autre côté, elle n’était pas enseignante, alors qu’est-ce qu’elle en savait, hein? La seule chose que Mac savait, c’était que lorsqu’elle avait de la difficulté avec ses fractions lorsqu’elle était gamine, la mère de sa famille d’accueil l’avait aidée à comprendre en faisant la cuisine. Biscuits, gâteaux… Elle n’avait peut-être jamais été capable d’additionner ou de multiplier les satanées fractions, mais elle avait compris ce que ce fouttu quart voulait dire. Cette femme avait trouvé un moyen de la convaincre de ne pas baisser les bras et c’était ce qu’elle comptait faire avec sa Coccinelle.

Elle sourit. Mackenzie l’appel souvent ainsi; Coccinelle. Jamais une personne ne lui a donné un surnom affectueux. Ici, elle en a plus qu’un. Être patiente, elle l’est en générale mais lorsqu’il s’agit d’apprentissage, la patience s’envole. Mackenzie lui dit que toute la famille peut l’aider. Elle a encore de la difficulté avec ce concept. Elle est habituée à se débrouiller seule et ici tout le monde l’aide. Elle a une famille, elle a de l’aide. Pour certains, qu’elle apprenne à lire peut paraître inutile. Pas pour elle. Elle toujours aimé apprendre, mais dans la rue trouver des livres ou des journaux à lire, ce n’était pas la priorité d’une journée. Elle rougit presque de plaisir lorsque Mac lui dit qu’ils sont tous fiers d’elle. Elle n’en demandait pas tant.

-Merci.

C’est tout ce qu’elle peut dire à cette femme extraordinaire qui prend soin d’elle. La seule chose qu’elle a envie de dire chaque jour depuis qu’elle a ouvert les yeux dans cet endroit. Elle regarde la jeune femme et un sourire naît sur ses lèvres quand cette dernière lui fait part qu’un livre plus intéressant l’aiderait peut-être.

-C’est un conte pour enfant, malheureusement, ça fait longtemps que je ne crois plus aux contes de fée. Certaines journées, j’y crois encore moins, alors peut-être que si j’essaie un livre plus difficile mais avec un meilleur sujet ce sera plus facile en effet. Tu as une suggestion?

Ayana pense que le conte est ce qui la démoralisée de la lecture. Mac lui fait comprendre que, de lire l’histoire d’une pauvre fille qui devient une princesse, ce n’est pas quelque chose qui l’intéresse. Elle préfère lire des histoires qui sont plus vraie que celle là. Peut-être que Mac peut lui trouver un bon bouquin qui pourra l’intéresser assez pour l’aider à progresser.

Des suggestions de livres. Mackenzie avait toujours aimé lire, elle avait donc des tas de livres qu’elle pourrait mentionner, mais c’était parce qu’ils lui avaient plus. Ça ne voulait pas dire qu’ils plairaient à Ayana. Le plus simple serait peut-être de la conduire dans une bibliothèque, mais si c’était plus facile, ça serait aussi certainement beaucoup plus dangereux. Même si Ayana avait survécut aussi longtemps dans la rue, Mac refusait carrément de la laisser sortir. Oui, elle se faisait l’impression d’être aussi bornée qu’Hunter. A sa défense cependant, on pouvait dire qu’Ayana était une enfant et que Willow était adulte. La différence résidait. L’âge. Si quelqu’un se mêlait de lui dire qu’elle surprotégeait cette enfant qu’elle avait littéralement adoptée, Mackenzie piquerait une crise.

- Ça ma belle, ça dépend de ce qui t’intéresse. Les vampires, les sorciers, les histoires d’amour, les histoires de flics, les histoires d’horreurs… Il y a même des bandes-dessinées qui sont pas mal. Il y a des romans pour les jeunes de ton âge. Si tu le souhaites, je pourrais aller faire une razzia dans une librairie à ma prochaine sortie.

C’était le mieux qu’elle puisse faire et Mackenzie espérait que ça serait suffisant. Au final, tout dépendait de ce que la jeune fille aimait. La seule chose que Mac espérait, c’était qu’Ayana ne demanderait pas à aller choisir ses bouquins elle-même. La jeune femme ne voulait pas devoir lui refuser une telle sortie, mais… c’était trop dangereux. Plutôt mourir que de laisser Ayana risquer sa peau.

- Il y a aussi des livres audio si ça tente. Tu pourrais lire le livre et entendre quelqu’un la lire en même temps. Ça pourrait peut-être t’aider quand tu butes sur un mot. Avec une bonne réserve de piles et un truc pour les écouter. Mais ce ne sont que des suggestions, c’est à toi de choisir ce qui te convient le plus.

Mac détestait ce type de lecture, mais elle était en terre inconnue et ne savait guère ce qu’il convenait de faire. Elle n’était pas pédagogue, alors pour ce que ça valait… Enfin! Personne ne pourrait dire que Mackenzie ne faisait pas de son mieux pour être une bonne maman de substitution. Elle faisait tout ce qu’elle pouvait et espérait vraiment que c’était suffisant.

Tellement de choix offert. Comment savoir ce qu’elle aimait? Une chose était sûre, elle voulait quelque chose pour compléter ce qu’elle demanderait. La meilleure façon d’apprendre était par soi-même. Elle regarde la jeune femme assis à ses côtés. Elle a envie de les accompagner, elle veut être plus utile. Elle sait cependant que Mac ne la laissera pas sortir avec eux. Un sourire étire ses lèvres, qui ne demande rien n’a rien non?

-J’imagine qu’il est hors de question que je puisse être de l’expédition? Déjà qu’un détour par une bibliothèque pour vous n’est pas utile, je sais que tu le fais pour moi. Je pourrais me rendre utile dans la sortie pour payer mon dû.

Elle a l’impression de profiter de ceux qui sortent, elle prend mais ne donne pas beaucoup. D’accord, elle aide tant qu’elle peut ici, mais si elle n’était pas là, ils auraient une bouche de moins à nourrir. C’était non négligeable. Tous les jours, de nouveaux membres arrivaient et ils restaient. Le groupe grandit mais les vivres et autres fournitures en tout genre commencent à manquer.

-Je suis lucide, je sais que tu préfères que je reste ici. Mais quelques fois, je trouve ça difficile de laisser une autre personne faire les choses pour moi. J’ai l’impression d’être un parasite qui profite de vous.

Elle baisse les yeux vers ses pieds, honteuse de se sentir comme ça. C’est difficile, elle a toujours tout fait par elle-même, maintenant, elle attend d’être servit et ça ne lui plaît pas. Elle soupire, elle n’a pas besoin d’avoir la réponse de la jeune femme. Elle sait déjà ce qu’elle va lui dire. Elle la regarde à nouveau.

-Je ne veux pas d’histoire de zombie en tout cas. Les vampires, peut-être. Histoire policière surement aussi. Amour… bof … et on oublie les princesses et les princes sur leur cheval blanc.

Les histoires d’amour, c’était barbant pour elle. L’amour, elle ne savait pas ce que c’était. Elle soupire à nouveau, balance ses pieds sous la table réfléchit à l’offre de Mackenzie pour les livres auditions. Elle n’aime pas l’idée, d’accord pour la prononciation, ce peut l’aider, mais elle n’a pas envie d’écouter en plus de lire. C’est trop facile. Elle secoue la tête.

-Pas de livres audio. C’est trop facile sinon. Mais je voudrais un dictionnaire si possible. Pour chercher par moi-même les mots que je ne comprends pas. Ça m’aidera aussi pour l’orthographe.

Ayana était une gamine futée. Elle avait compris que Mackenzie refuserait de l’amener durant les raids. C’était étrange quand même comme raisonnement. Elle refusait de laisser Amy derrière pour l’avoir toujours à l’œil et ne comprenait pas Hunter qui tenait à ce qu’Amy reste à l’hôpital… et voilà qu’elle reproduisait le même schéma avec Ayana. Y avait-il quelque chose à comprendre? Chose positive à prendre en considération, Ayana ne s’entêtait pas à vouloir l’accompagner, elle acceptait sa décision de bon cœur. Mac ne se faisait cependant pas d’illusions, un jour cette petite grandirait et alors il lui serait plus difficile de la garder à l’abri de ces horreurs. Mackenzie espérait juste qu’Ayana n’allait pas grandir trop vite et que ce jour funeste où elle les accompagnerait à un raid était encore loin. Très très loin.

- C’est vrai, je préfère que tu restes ici. Parce que je sais que je te laisse toujours avec quelqu’un qui veillera sur toi quoiqu’il arrive. Cependant, quand tu dis que tu es un parasite qui profite de nous, je ne suis pas d’accord. Tu te rends utile dès que tu le peux. Tu aides Willow avec le jardin, tu aides à garder l’hôpital propre, tu aides Andrea en cuisine, tu te charges de faire visiter les lieux aux nouveaux arrivants… Tu n’es peut-être pas présente quand on sort, mais tu te rends utile autrement. Tout ce que tu fais ici pour aider les autres, c’est des tâches que nous n’avons pas à faire, du temps qu’on a en plus pour chercher des vivres et du matériel. Alors oui, ton rôle est important aussi. Tu fais autre chose, mais ça compte énormément aussi.

Combien de nouveaux arrivants restaient assis sur leurs derrières à ne rien faire? Personne n’avait suggéré à Willow de l’aider avec le potager, personne n’avait suggéré de faire la lessive ou de faire le ménage dans les lieux communs. Personne n’avait suggéré à Kaleb de l’aider dans son travail alors qu’il en aurait parfois besoin. Ne serait-ce qu’une infirmière, ça serait déjà beaucoup. Quelqu’un d’un peu bricoleur pourrait aider Hunter à l’entretien des véhicules. Ça leur prendrait bientôt d’autres voitures, alors Hunter pourrait avoir besoin d’un coup de pouce. Même Raffael avait du boulot par-dessus la tête avec les armes qu’il devait fabriquer pour équiper tout le monde. Finalement, se rendre utile, ce n’était pas que d’être de sortie pour le ravitaillement. Tout le monde pouvait se rendre utile à sa façon, que ce soit en aidant en cuisine, en s’occupant des quelques enfants du groupe, en faisant l’inventaire des munitions, de la nourriture, des médicaments, du matériel médical… Alors non, Mackenzie refusait d’entendre Ayana dire qu’elle profitait d’eux. Depuis son arrivée, elle faisait toujours tout son possible pour les aider du mieux qu’elle le pouvait. Et ça, c’était bien plus que certains.

- Mais si tu veux t’occuper, on pourrait te confier les quelques enfants qui sont avec nous. Tu pourrais les garder pendant qu’on mettrait les parents au travail. Je sais qu’il était aussi question d’agrandir le potager parce qu’on commence à avoir beaucoup de bouches à nourrir. Ça te dirait de te charger de ça? Sinon, on peut te trouver quelque chose d’autre qui te plairait. Ce n’est pas le boulot qui manque dans le coin.

Enfin, là n’était pas la question. La question, c’était de trouver quelque chose à lire à Ayana, quelque chose qui la passionnerait. Mackenzie pris bonne note de ses préférences et lorsque la jeune fille lui demanda un dictionnaire, elle s’en voulut de ne pas y avoir pensé. C’était une très bonne idée et la Coccinelle pourrait chercher par elle-même tous les mots qu’elle voulait. C’était brillant. Et à la hauteur de la gamine qu’elle avait adoptée. Ce n’était pas sa faute, Mac avait craqué. Elle adorait cette enfant et ferait tout ce qu’elle pourrait pour être une bonne mère de remplacement. Finalement, elle qui n’avait jamais su si elle aurait de enfants un jour se surprenait à se dire qu’elle s’en sortait plutôt pas mal. Bon d’accord, elle avait eu une gamine de 14 ans directement, elle avait manqué l’étape bébé et la petite enfance, mais… c’était un détail!

- Je te ramènerai le plus de bouquins possible, comme ça tu auras le choix. Je ne m’y connais pas trop en littérature pour adolescents, mais je te promets que tu pourras choisir ce qui te plaira. Et je te prendrai un bon dictionnaire. Même s’il faut que je les feuillette tous pour trouver le meilleur.

Elle sourit lorsque Mackenzie dit qu’elle préférait la laisser ici avec une personne qui veille sur elle. Les autres se fichent bien de ce qui peut lui arriver. Mais Mac ne le sait pas. Elle n’entend pas les commentaires qu’on lui passe quand ils ne sont pas là. Mac, Kaleb et les autres de leur petit clan la trouve sans aucun doute utile, mais pour plusieurs, elle n’est là que pour profiter et faire sa gentille alors qu’elle n’est qu’une enfant sans valeur. Elle s’en fiche, elle sait d’où elle vient, elle sait qu’on la toujours considéré comme une nuisance. Avec Mac et Kaleb, elle se sent importante et c’est bien. La jeune femme lui propose de s’occuper des enfants pour qu’ils mettent les parents au travail. Elle un sourire narquois étire ses lèvres. Ont la traite de bien des choses, mais les parasites sont bien plus présent qu’on le pense. Tellement ne font qu’attendre leur ratio sans rien faire pour aider. Elle secoue la tête.

-Non, c’est une très bonne idée, mais certaines mères me chassent dès que j’approche leurs enfants. Certains pères ne veulent pas que j’approche, car ils savent qu’ils m’ont payés pour faire des choses qu’ils ne veulent pas que leurs femmes sachent.

Elle a un sourire triste.

-Quelques fois, pour manger ont est prêt à faire bien des choses. Et ici quand vous n’êtes pas là, les choses sont bien différentes aussi.

Elle n’ajoute pas que certains de ses hommes payaient pour plusieurs repas seulement pour pouvoir recevoir de sa part des choses vraiment dégoûtantes lorsqu’elle vivait dans la rue. Elle n’acceptait aucun argent, que des dons de nourriture ou des cartes repas. Son but était de survivre, elle n’aimait pas faire ce genre de chose, mais pour manger elle n’avait pas le choix quelques fois. Elle ne le faisait que lorsqu’elle savait qu’elle ne pourrait pas manger avant longtemps si elle ne le faisait pas. La loi de la rue était que si tu tapinais tu devais payer un « mac » pour la protection, comme elle se faisait payer en repas, on la laissait tranquille.

-N’en ramène pas trop de livres. Je ne voudrais pas priver les autres de fournitures vitales car mes livres auraient pris trop de place. J’en ai quelques uns ici. Je peux me débrouiller.

Elle se sent capricieuse de demander des livres et un dictionnaire. Mais en même temps, elle a envie d’apprendre. Oui, la vie change et jamais celle d’avant ne reviendra. Elle en est consciente, mais elle veut quand même apprendre. Lire et écrire, c’est important. Elle ne veut pas mourir ignorante de la vie et de ses découvertes. Et  ce n’est pas comme si elle a beaucoup à faire. Oui, bon, il y a quand même beaucoup a faire, mais comme elle dort peu, elle a beaucoup de temps à elle. Lire lui occupe l’esprit.

Dieu du ciel! Mackenzie avait la nausée juste à entendre Ayana lui raconter – sans entrer dans les détails – ce qu’elle avait dû faire pour survivre. Elle avait été réduite à coucher avec des hommes! Et même que certains d’entre eux étaient des membres de leur groupe! Ça la démangeait de demander à sa puce qui étaient ces hommes, car ça la démangeait d’aller leur signifier clairement – avec son M16 – de ne pas s’approcher d’Ayana. Le tout, en veillant à bien leur expliquer qu’elle s’amuserait à les utiliser comme cible, histoire de ne pas perdre la main avec son précieux jouet. Elle réduirait en pièces tous ceux qui oseraient s’approcher d’enfants sans défense, sans adulte pour les protéger. Si Mac ne se rappelait pas très bien l’enfance qui avait été la sienne avant que les services sociaux les retirent de leur famille Amy et elle, elle savait cependant que c’était pour une bonne raison si on n’avait pas laissé leur garde à leurs parents. Que leur serait-il arrivé sinon? La même chose qu’à Hunter? Pire? Mackenzie aurait pu encaisser, mais jamais elle n’aurait accepté qu’on touche à un seul cheveu d’Amy. Finalement, Hunter avait dû se dire la même chose à l’époque. Elle et Hunter se ressemblaient bien plus que Mac n’aurait pu le penser.

- Je te promets que tu n’auras plus jamais à vivre une chose pareille. Tu as ma parole que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu te sentes toujours en sécurité. Mais pour ça, si jamais ça arrive, tu dois me le dire. Tu ne dois pas te sentir gênée ou coupable. Tu dois pouvoir te sentir à l’aise d’aborder n’importe quel sujet avec moi ou avec Kaleb. Toujours.

Que pouvait-elle dire de plus? Lui dire qu’elle avait envie de tuer les hommes qui trouvaient correct de sauter une gamine? Parce que oui, en faire de la chair à pâtée la tentait bien. Plus que bien même. Mais Mac savait que ça ne changerait rien à ce qu’avait vécu la petite. Entendre cette enfant lui dire que les choses étaient différentes quand ils n’étaient pas là la… Mackenzie n’aurait su dire ce que ça lui faisait ressentir, mais elle n’aimait pas ça et elle pris soin de se rappeler de raconter cette conversation à Kaleb. Ayana n’avait pas besoin de le savoir, mais il fallait quand même que son mari soit au courant. Lui, il pourrait l’aider. Et garder l’œil ouvert. Parce que désormais, c’était ce qu’elle ferait. La seule chose qu’elle pouvait promettre à cette petite fille, c’était d’être toujours là pour elle et de toujours la protéger de son mieux. Elle ne serait peut-être jamais vraiment une bonne mère de substitution, mais Mac ferait toujours de son mieux, ne serait-ce que parce qu’Ayana le méritait.

Je hausse les épaules lorsque Mackenzie me promet que je n’aurais plus jamais à vivre cette expérience. Je n’en suis pas si sûre qu’elle. J’ai vu aux moins deux ou trois de mes anciens, je le vois, ils me voient eux aussi. C’est horrible de penser qu’ils peuvent avoir de ses envies dégoûtantes qui les prennent. Mackenzie doit sortir, elle ne peut pas rester ici. Elle n’est pas toujours là pour me protéger, elle ne peut donc pas me faire cette promesse, mais elle n’en a pas conscience. Je sais qu’elle la tiendra lorsqu’elle sera près de moi. Je le sais, elle tient ses promesses. Elle dit que je ne dois pas me sentir mal à l’aise de parler de quoi que ce soit, que ce soit avec elle ou Kaleb. C’est difficile pour moi.

-Je vais essayer, mais je ne peux rien te promettre. C’est difficile pour moi de me confier. Je suis habituée à me protéger toute seule et à régler mes problèmes par moi-même. Mais je te promets d’essayer très fort.

Je ne suis pas du genre démonstrative, mais Mackenzie est si gentille et si patiente avec moi. Je mets mes bras autour de son cou et lui fait une accolade. Elle dure presque trente secondes, je sais parce que j’ai compté dans ma tête pour la faire durer exactement tout ce temps là. L’exercice peut sembler bête, mais pour moi c’est logique. Mac est importante, mais moi et les contactes humains, ça fait deux. Alors le fait de compter m’aide a contrôler la situation. J’hésite à lui donner une bise sur la joue et finalement me ravise. Non, c’est trop personnel pour moi. Pas maintenant. Je l’aime beaucoup, Kaleb aussi. Mais ils savent comment j’ai grandit. Je ne peux pas devenir quelqu’un d’autre. Je ne peux pas changer le fait que l’on ne m’a pas habitué aux contacts physiques maternels ou paternels. Aucune fraternité. Il faut que j’apprenne et c’est ce que j’essaie de faire. Mais ce n’est pas simple pour moi. Quelques fois, je sursaute lorsqu’ils m’ébouriffent tendrement les cheveux. C’est stupide, je le sais. Ils ne me feront jamais de mal. Je le sais. Je vis la prochaine élève entrer dans la salle. Je souris à la jeune femme qui entre et regarde ensuite Mac.

-Je vais te laisser à tes leçons. On se voit plus tard.

Je lui souris avant de sauter en bas de la table ou je me suis assise plus tôt. Je quitte la pièce presque sereine. Je vais tenter à nouveau avec ce livre. Après tout, les contes de fée sont faits pour rêver, pas pour être réalistes non? Je vais tenter à nouveau de le lire. Peut-être que Cendrillon à vraiment vécu un jour et qu’elle a réellement réussit à sortir de sa vie minable grâce à un prince qui a vue au-delà de ses vêtements déchiré et la crasse qui la couvrait. Je ne sais pas, je ne le saurai jamais en fait. Mais est-ce si important? Non. Aujourd’hui, ça n’a aucune importance. L’important, c’est ce que je veux apprendre à lire et que ce livre, réaliste ou pas, peut m’aider à y arriver. Voilà la réalité de la situation. Sur cette belle pensée, je sors de la pièce.